5 de note neutre.
Il serait probablement un peu vain de vouloir estimer la qualité des Cent mille milliards de poèmes en tant que recueil constitutif, en tant qu'ensemble thématiques et de formes composées propices à créer du sens par l'image.
Ce qu'il y a de beau dans cet objet à languettes interchangeables, et qui constitue la véritable démarche poétique de l'ensemble finalement, c'est la manière frontale qu'il a de poursuivre deux objectifs qui demeurent scandaleux lorsque l'on montre la volonté de les penser ensemble. Les Cent mille affichent cet espoir double d'être une machine – au sens où l'on pouvait dire qu'on était capable de concevoir un ordinateur à l'Antiquité ou une calculatrice au grand siècle –, et il a un bel ensemble mathématique à revendiquer pour relever le gant de cette prétention, et de ne servir à rien sinon à amuser par quelques jolies espagnolades (dès le premier sonnet générateur) ciselées avec plus de farce que de splendeur, malgré la prétention bouffonne de leur introduction.
Derrière la conception de ce petit ordinateur poétique, une défense de la littérature expérimentale chère à l'époque et dont la pertinence n'a pas disparu face à une contemporanéité blanche qui a déconstruit le classique et l'académique en les nettoyant, comme le chien s'attaque à l'os du dehors.
C'est un bel artefact avec lequel jouer, et c'est un pied de nez intéressant à une pataphysique qui restait bien engoncée dans ses théories clownesques. Ici, on a sauté le bas et on a produit le résultat de la réflexion.
Est-ce que la poésie est là ?
Oui, mais c'est sans doute davantage celle d'Asimov que celle de Rimbaud.