Le thème du livre n'était pas sans me rappeler "Filles de Shanghai" (http://www.senscritique.com/livre/Filles_de_Shanghai/125780) que j'avais beaucoup aimé tant pour son côté récit de la vie des femmes que pour cet aspect totalement méconnu pour nous européens de la migration asiatique aux Etats-Unis. J'y avais découvert que l'équivalent d'Ellis Island existait côté Los Angeles - oui, c'est logique mais je n'y avais pas réfléchi - et que la vie des migrants est loin de toujours ressembler au rêve américain. A vrai dire, ma peur en ouvrant "Certaines n'avaient jamais vu la mer", c'était d'avoir dans les grandes lignes la même histoire, en remplaçant des sœurs chinoises par un groupe de japonaises.

Mais Julie Otsuka fait fort. Ce n'est pas une ou deux migrantes que l'on suit, c'est un choeur de femmes, une sorte de monstre à cent visages dont on ne distinguera pas un destin ou l'autre. Au début c'est déstabilisant, ce "nous" qui fait tout, ce nous qui donne un fait en une phrase puis son contraire dans la phrase suivante. Autant de nous, autant de situations interchangeables que ces femmes ont vécu. Peut-être aussi un moyen d'exprimer leur solidarité, celle des femmes qui ont tout quitté pour un avenir meilleur dans un pays inconnu avec un mari étranger.

Il y a le voyage, il y a la découverte du mari, la déception, l'amour, la découverte d'une vie sans doute moins dorée que ce à quoi ces femmes auraient pu prétendre dans leur pays, l'intégration - difficile, les mensonges à la famille, puis les enfants. Puis la guerre. Cette guerre qui effacera en quelques mois les années passées à tenter de devenir américaines. Ces femmes qui se croyaient intégrées, qui, malgré leur condition de femmes de ménages, blanchisseuses, cuisinières participaient à la vie de la ville si ce n'est du pays, ces femmes deviennent l'ennemi. Ce sont elles qui ont attaqué Pearl Harbor, ce sont elles qui menacent les Etats-Unis sur leur territoire, ce sont elles qui envoient les soldats mourir dans une guerre de l'autre côté du Pacifique. Le reste n'a plus d'importance, quand un pays se sent trahi.

On ne leur demandera pas, à elles, si elles se sentent trahies par cette terre d'accueil au goût de terre brûlée.
Nomenale
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le 7 janv. 2014

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Nomenale

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