Le lot d'un collectif, c'est qu'on y trouve de tout. Celui-ci n'échappe pas à la règle. Tous les styles, tous les messages, tous les sujets... il y a à boire et à manger.
De manière générale, ils ne sont pas très originaux. Peu de nouvelles inventent autre chose que de l'ultra surveillance, des caméras partout et des mondes tout gris tout glauques. Certains le font bien, cependant.
"Satisfecit", de Stéphane Beauverger, est très bien mené, bien trouvé, servi par un style régulier et sans accroches. Une fin qui nous surprend et qu'on n'aurait pas deviné (enfin, pas moi), un bon questionnement sur l'usage qui est fait des maladies de chacun.
"Spam" de Jacques Mucchielli fait vraiment froid dans le dos, et pousse plus loin que d'habitude l'usage et les abus de la publicité.
"Remplaçants" de Gulzar Joby est très bien écrit, et son économie de technologies fait justement sa force : pas d'étalage de surveillance, pas d'idées saugrenues sur le monde du futur, juste quelques idées lancées par-ci, par-là, qui suffisent à construire un récit équilibré, qui frappe d'autant plus qu'il ne nous conduit pas à l'écœurement.
Citons encore "Des myriades d'arphides" de Sébastien Cevey, vachement informatisé, mais qui le mérite d'être optimiste, et d'avoir mis en scène un monde moins sombre que les précédentes histoires.
Et puis il y a les OVNIS, ceux qui ont réussi un tour de force.
Il y a Damasio, évidemment, avec son "Annah à travers la harpe", une magnifique évocation de l'enfance, dans un monde onirique, qu'on imagine plein de couleurs, comme une enfance trop gâtée et trop surveillée, mais tout de même, cette Annah, qu'est-ce qu'elle est craquante ! Le monde de demain, aussi inacceptable que celui des autres nouvelles, dans le fond, mais servi avec du miel et des couleurs : c'est clair, ça fonctionne, on accroche tout de suite.
Et puis il y a "Le point aveugle" de Jeff Noon, d'une poésie surprenante dans un monde aussi noir, qui parvient à faire d'un lieu non surveillé une sorte de fable urbaine, de lieu changeant au fil du temps, qu'on image très bien faire et se défaire comme dans un rêve.
Il y a peut-être "Paysage urbain" de Ayerdhal, qui se penche sur la manipulation des foules, l'usage de mots qui font mouche, l'art des politiques de transformer la réalité. C'est plus technique, et ça ressemble moins à une histoire, mais l'analyse n'en reste pas moins fine.
Au final, il n'y a que peu de littérarité dans ces textes, ils ressemblent plutôt à des avertissements plus ou moins longs sur les dérives vers lesquelles on se dirige. C'est un peu là que le bât blesse : travaillez votre style, bordel ! Pour éviter l'écoeurement - trop de technologie tue la technologie - mieux vaut lire ce recueil en plusieurs fois, pour laisser le temps à chaque nouvelle de faire son chemin...