De prime abord il convient de dire qu'étant issu de cette nouvelle entité régionale ce livre me parle en premier lieu et au plus profond de ma chair.
Dès lors, ledit livre dépeint une réalité de très très très bonne facture et l'on y associe très rapidement des individus de sa propre vie à ceux de l'enquête de Benoit Coquard.
Ce voyage temporel sur une étude de dix années met en exergue les conséquences des politiques de décentralisation menées depuis les années 1970, la politique de désindustrialisation qui toucha jadis la région et sur les conséquences actuelles de la mondialisation et la difficulté d'enclencher un nouveau processus économique viable dans une région en marge, qui semble se situer en deçà des circuits de l'économie de marché. Historiquement paradoxale dès lors que l'on se remémore la période Hallstattienne, la puissance de cette "région" du monde durant plusieurs siècles avec des villes bimillénaire à l'instar de Metz, la lutte d'une partie de cette "région" oscillant sans cesse entre France et Allemagne qui rend compte d'une double culture vivace afin d'obtenir "l'or noir" qu'est le charbon puis rien, plus rien ou presque.
En ce sens, les territoires de notre récit sont identifiables parmi les anciennes régions de la Champagne-Ardennes et de Lorraine qui tiennent encore debout grâce aux activités secondaires et tertiaires des métropoles de Reims, Metz ou Nancy et surtout du Luxembourg voisin. Cet Eldorado permet d'empêcher bien des soucis à une région - qui ne cesse de se paupériser - grâce à son dynamisme économique sur la scène mondiale, et ce malgré le rapprochement avec la riche Alsace voisine afin d'en créer une nouvelle entité sans saveur : Grand Est réunissant nos trois régions.
Ensuite, la démarche sociologique par ce questionnement, ce tâtonnement, ces entretiens du terrain dépeignent une réalité jamais lue ni observée dans un livre.
De plus, ces entretiens du terrain démontrent comment en l'espèce, l'entre soi amical permet d'être titulaire dans le club de football du coin alors qu'un coéquipier, plus fort, plus aguerri à ce sport saurait être mis au ban s'il ne s'intègre pas au sein de la "bande" du club de football malgré des qualités indéniables. Derrière ce propos, rien de plus vrai et symptomatique pour celui qui est issu du monde rural ou périurbain.
De plus, cette immersion avec et chez les hôtes est très intéressantes et permet d'approfondir l'analyse et l'évolution voire la rupture.
En l'espèce, la description formelle de l'habitat ( cf ce passage sur le changement de décoration de l'intérieur d'un couple ou l'on passe d'une ambiance vieillotte à une ambiance comparable à l'esprit discothèque)
Bien que la note de 7 est justifiée et qu'on souhaite tout le bien du monde à son auteur, l'on ne peut s'empêcher d'apporter des nuances d'un point de vue géographique car finalement l'on peut mélêr les sciences humaines.
D'emblée le parti pris du terme " France périphérique" est symptomatique d'un parti pris trop politique et se limite à son auteur : Christophe Guilluy un géographe qui en a fait un livre éponyme.
Ce parti pris assumé d'en faire un livre "très à gauche" empêche d'abord une relative neutralité face à ce travail et ensuite pointe parfois un plaidoyer trop politique notamment sur le premier chapitre des Gilets Jaunes. Ce chapitre ne favorise ni le discours qui suit, ni l'esprit sociologique du livre ; le questionnement sur les GJ serait il encore hâtif pour y exercer une réelle prise de recul ?
Par conséquent, le terme de "France des marges" semble être plus intéressant car en géographie la définition du rural se définit toujours en opposition de la ville, sans rentrer dans le questionnement du périurbain ; la lecture en complément de l'ouvrage de Samuel Depraz, géographe plus neuttre pourrait apporter lui toute la candeur nécessaire à cette question de marge ou de périphérie et ce lien entre le centre et sa périphérie. Je vous revois ainsi ici à vos lectures sur les différents substrats de sciences humaines.
Enfin la dernière nuance serait celle d'une légère redondance exprimée face des situations données et l'impression parfois de relire ce qu'on a lu précédemment en changeant simplement d'exemple. Cela laisse parfois sur sa faim car l'on a une sensation de déjà-vu.
En définitive c'est un livre à livre, que l'on conseille et qui peut être compléter par des lectures sur le livre de Christophe Guilluy : La France des périphéries ; sur l'ouvrage de Samuel Depraz : La France des Marges et enfin d'un point économique sur les travaux de Laurent Devazies dont : La crise qui vient. La nouvelle fracture territoriale