J’aime les femmes à la dérive, les givrées sans que ça se voie, les qui tiennent à un fil, les qui menacent de rompre, les concentrés de dinguerie. Donc, j’aime Louise, la nounou parfaite, c’est-à-dire parfaitement folle, qui s’est immiscée dans la vie de ce jeune couple pas plus déplaisant qu’un autre pour s’occuper de leurs enfants pas plus pénibles que d’autres. J’aime sa ponctualité d’horloge, ses airs de petite fille fripée, sa mièvrerie apparente, son goût de l’ordre et du propre. J’aime sa disponibilité parfaite, sa soumission jusqu’à la veulerie, sa terreur d’un réel qui s’accumule sous sa porte sous forme de lettres de créance. J’aime son errance et sa haine des dimanches et jusqu’à la déchirure finale (mais je ne dévoile rien puisque le roman commence par là) sous forme de fait divers terrifiant.
Encore plus que les rapports nécessairement pervers qui s’installent entre une employée et des patrons quand ils la laissent pénétrer dans leur sphère la plus intime, c’est le portrait de cette femme que j’ai aimé, un portrait tout en pudeur que Leila Slimani dessine sans appuyer. Son univers évoque celui de mes auteures préférées, Laura Kasischke ou Marie N’diaye. Je suis presque émue de l’accueillir dans le cercle très privé des femmes qui écrivent et que j’aime.