Je ne comprends pas.
Le Goncourt, alors qu'en face on avait Babylone, Désorientale, Petit pays, 14 juillet... entre autres romans, tellement meilleurs.
Chanson douce possède deux atouts majeurs: son premier et son dernier chapitres: puissants, brutaux et incisifs.
Le problème, c'est les 200 pages de vide entre les deux.
Les personnages sont grossiers, comme les ressorts narratifs.
Tous les personnages secondaires sont caricaturaux: le vilain ex mari violent, la bourgeoise condescendante, la fille rebelle, le bailleur marchand de sommeil, la baby sitteuse étudiante-qui-fait-pas-la-vaisselle-et-fume-des-clopes-sur-le-balcon, les nounous qui parlent toutes les langues de babel et font des mariages blanc...
Malheureusement ce n'est guère mieux du côté des personnages principaux.
Les parents: des bobos légèrement méprisants, d'une banalité médiocre. Leila Slimani échoue là où Tanguy Viel dans "Article 353 du Code pénal" a si bien réussi: à faire du rien, du banal, une flamboyance.
La nounou maintenant, personnage central, de laquelle pourtant on n'apprendra rien ou presque, pour laquelle on ne construit aucun sentiment: ni empathie, ni dégoût. Rien.
On nous explique que c'est justement l'objet du roman: démontrer à quel point une personnalité apparemment effacée peut s'insinuer dans nos vie, sans bruit, jusqu'au fracas final...
Cette optique serait servie par ailleurs par le parti pris narratif, désespérément linéaire, fait d'anecdotes empilées plutôt que d'un véritable récit, et supposé étreindre le lecteur d'une lancinante angoisse...
On repassera pour l'angoisse. Maîtriser le suspens est un art délicat, et là où un auteur comme Pierre Lemaître, par exemple dans "Robe de marié", créé une tension presque insoutenable en peu de mots, Leila Slimani crée un ennui presque aussi insoutenable.
On attend en vain que le récit évolue, que les personnages s'étoffent, et on ne nous livre que des ficelles grossières, que dis-je, des cordes d'amarrage. J'ai cherché en vain les réflexions sociétales annoncées en quatrième de couverture, la psychologie ciselée des protagonistes, la "poésie ténébreuse" de l'écriture. Je n'ai trouvé que des bribes de pensées sur la parentalité, pas inintéressantes au demeurant, mais déjà exploitées ailleurs, et avec plus de panache.
Le récit frôle parfois le ridicule, notamment dans un passage supposé décrire la vie d'un avocat, enchaînant les stéréotypes, et qui m'a fait fermer le livre de gêne.
Apparemment, c'est principalement la mort des deux enfants dès la première page qui bouleverse les lecteurs. Un conseil allez lire David Vann qui lui, vous donnera des raisons d'être bouleversés.
Le style de Slimani en lui-même n'est pas désagréable, mais il mérite sans le moindre doute d'être bien mieux exploité.