"Chanson douce" de Leïla SLIMANI, un titre accrocheur!
On a tous en mémoire cette berceuse que nous chantait notre maman. Mais ici, la berceuse est ténébreuse, macabre. Dès le début, on le sait, on le sent, la décision pour Myriam de reprendre du travail et d'y briller va faire ombrage à l'avenir de ses enfants. Paul,son mari, sera tour à tour, complice, aidant, fuyard dans la réalisation de ce projet de vie. Pourtant, Louise, la nounou engagée après un casting sévère, a tout pour plaire, trop peut-être. Elle ne peut être aussi parfaite que si ses attentes sont élevées. Ses exigences se conjuguant avec son rêve, c'est vers un drame que l'on s'achemine... dans la douceur des attentions et soins prodigués, au coeur même des nuages de bonheur construits par Louise et consentis sans recul et réflexion de la part de Myriam et Paul. Louise est-elle responsable? Oui, probablement. Coupable? Oui, peut-être, mais pas la seule!
Pour certains lecteurs, ce livre, à l'écriture limpide, peut paraître lent, linéaire, sans aspérité, presque d'une platitude qui devrait le ranger du côté des manuscrits n'obtenant même pas de réponse de l'éditeur. Mais, en fait, la progression lente, implacable, quasi indicible du livre décrit à merveille la pente douce mais inéluctable qui mène Louise à l'abîme. C'est justement cette linéarité dans l'évolution des comportements de la Nounou, des enfants et des parents qui rend à souhait le drame que personne n'a pu ou voulu voir venir. La négation de la personne au seul bénéfice de son rôle social, l'effacement de soi pour plaire, le devenir plus, l'apparaître au-delà des espérances, vivre dans la logique du mérite ... et l'abandon de la responsabilité parentale déléguée, voilà ce qui tisse, trame le coeur même du débat que ce livre doit susciter. Jusqu'où peut-on se reposer sur autrui face à nos responsabilités parentales? Où est la juste place de chacun? Père, mère des enfants, mari ou femme l'un pour l'autre, Nounou, aidante extérieure ou gouvernante (dans le plein sens du terme) d'une cellule qui devrait être familiale et qui en est la négation même? Bien difficile à dire. Et, comme dans le roman, après, on pourrait, pense-t-on, tout comprendre, tout expliquer... Alors, pourquoi n'a-t-on pas vu?
Chanson douce est un le récit d'un drame sociétal! Il faut le lire comme tel et réfléchir aux modèles de réussites que nous voulons promouvoir...