J'avais déjà lu de Philippe Erlanger (dont la plus célèbre oeuvre n'est ni historique ni littéraire puisque pour l'anecdote c'est à lui qu'on doit l'idée du Festival de Cannes !!!) son "Richelieu". Si l'historien français n'a pas le talent d'un Zweig pour bien clarifier les divers conflits politiques et/ou guerriers, il parvient à la perfection à nous faire sentir l'atmosphère d'une époque et à nous décrire d'une manière réaliste le portrait psychologique des protagonistes tout en se montrant parfois délicieusement sarcastique et n'hésitant pour notre plus grand plaisir à pointer les nombreuses ironies dont ne manque pas d'être émaillé l'Histoire.
C'est cette impression que m'a donné sa biographie sur le ministre de Louis XIII et que me confirme ce roman sur un des rois français les plus méconnus psychologiquement parlant.
Généralement quand on dit Charles VII, on pense juste au roi sous le règne duquel s'est achevée la Guerre de Cent Ans et qui n'a pas levé le plus petit doigt pour empêcher Jeanne d'Arc de se faire brûler à Rouen. Mais bien sûr c'est plus que cela. C'est un homme peu brillant et éclatant, fils d'un roi (enfin peut-être !!!) ayant sombré dans la folie et d'une mère peu portée par l'affection maternelle et prête à sacrifier son pays d'adoption pour son bien-être matériel et ses plaisirs charnels, qui hérite du trône dans la pire période que son pays ait connue.
Bon on se dit qu'il est dans une sacrée merde, et on ne peut qu'avoir raison. D'autant plus que notre monarque dans ses premières années de règne a la fâcheuse tendance de se méfier des personnes en qui il devrait avoir confiance et à avoir confiance en des personnes en qui il devrait se méfier ; ce qui n'est guère pratique quand on doit sauver une France totalement exsangue principalement occupée au trois-quart par les anglais et les bourguignons.
Mais voilà quand un homme moyen est entouré des meilleurs on peut faire de très grandes choses comme sauver son pays et même lui redonner une grande richesse. On pense bien sûr à la Pucelle d'Orléans mais pas seulement les figures des grands serviteurs de la cause nationale que sont Arthur de Richemont, Pierre de Brézé, Jacques Cœur sont aussi abordés ; et surtout un personnage très injustement méconnue mais absolument essentielle, à qui l'auteur rend un vibrant hommage, de l'ombre (mais qui a poussé Jeanne d'Arc dans la lumière !!!) qui par son intuition politique, sa grande patience, sa force de caractère qui l'a empêchée souvent de se décourager face aux épreuves, Yolande d'Aragon.
Cette dernière, qui est la belle-mère du monarque, fera tout pour protéger son pays (au début surtout pour conserver sa province, l'Anjou mais si on peut concilier intérêt personnel et intérêt national, et pas seulement intérêt personnel pourquoi pas... !!!) et son roi, parfois malgré lui mais "qui aime bien, châtie bien".
Et elle transmettra par miracle son intelligence politique à sa petite-fille Marguerite d'Anjou, qui épouse d'Henri VI et donc reine d'Angleterre, sauvera à partir de l'autre côté de la Manche plusieurs fois son pays natal de la reprise de l'horreur ainsi qu'à son petit-fils le Dauphin, le futur Louis XI, ambitieux tempétueux qui ne cache pas du tout son mépris pour le tempérament calme de son père et qui veut être absolument "calife à la place du calife", quitte à pactiser avec les ennemis de la France et quitte à trahir ces derniers aussitôt une fois la Couronne ceint sur sa tête ; et léguera des ministres compétents à son gendre au-delà de la mort.
On n'oubliera pas non plus Agnès Sorel, la première grande favorite de l'Histoire de France.
Quand à Charles VII, roi très peu sanguinaire ce qui est très étonnant pour son époque, par le fait qu'il était conscient de ses propres limites écoutant par sagesse ses ministres était en fait une sorte de chef d'état constitutionnel bien avant l'heure.
Comment avec tout cela ne pas être intéressé par ce roman qui est une preuve que la réalité peut être encore plus forte que la fiction ???
En plus, elle rassure sur le fait que même dans ses pires crises, la France a toujours su s'en sortir la tête haute... Il faudrait juste une Yolande d'Aragon dans le coin...