Diversité, disait La Fontaine dans son Pâté d'anguille, c'est ma devise.
L'ami Feydeau eût été bien inspiré d'y goûter.
Car à trop user d'une ficelle, on la brise et c'est bien là le drame d'une pièce pourtant si prometteuse.
Jugez-en.
Chat en poche narre les déboires d'un bourgeois parisien du nom de Pacarel qui aime beaucoup son nom et veut le décorer de mérites toujours plus resplendissants. Aussi, lorsque sa fille compose à la Philippe Ménard de Borgès un Faust selon Gounod, décide-t-il de se procurer les services non pas de Bianca Castafiore, qui a pourtant fait ses preuves dans le rôle de Marguerite, mais bien d'un certain Dujeton, ténor bordelais. Il écrit à son ami Dufausset d'envoyer chez lui ledit ténor et Dufausset, ne sachant vraiment comment le caser, lui envoie son fils en guise de Dujeton. Et ce fils accueilli en ténor est engagé "chat en poche" pour un cachet faramineux par Pacarel. Le faux ténor ne tarde pas à séduire malgré lui tous les jupons de la maisonnée.
Plus proverbe que véritable vaudeville, Chat en poche, qui illustre cette expression signifiant "acheter sans vérifier la marchandise au risque d'être leurré", permet en sus une critique de la bourgeoisie dans la veine du Bourgeois gentilhomme, du mariage arrangé alliant Molière et comique de geste tapageur et du parisianisme auto-centré qui raille tant la province qu'il s'y trompe lui-même.
Proverbe, il cumule dans le même temps les meilleures ficelles du vaudeville et finit par perdre son spectateur et ses personnages dans une spirale folle de situations plus cocasses et toujours plus fantaisistes les unes que les autres.
Mais voilà où git le lièvre: Feydeau abuse à outrance d'un seul procédé comique, à peine diversifié par le comique de geste des deux jeunes gens que l'on veut marier de force. Toute la pièce n'est qu'un grand qui-pro-quo qui emboîte les qui-pro-quo les uns dans les autres. De sorte que Chat en poche est un bon texte pour faire étudier le qui-pro-quo à des élèves en cours de lettres mais une pièce qui sombre dans la monotonie d'un seul et même comique.
Pacarel prend Dufausset fils pour Dujeton. Les femmes et le bon docteur font de même. Dufausset les prend pour des fous puis prend l'engagement de Pacarel pour celui annoncé par son père. Mme Pacarel lui ayant tapé dans l'oeil, il souhaite lui écrire mais la prend pour la femme du bon docteur. Cependant les deux jeunes fiancés prennent chacun les conseils pris au pied de la lettre de leurs parents respectifs pour un tic de l'autre.Et caetera, et caetera, et caetera, qui vivra verra...
Il semble que tout l'humour de la pièce réside dans l'addition des patronymes du personnage qui ne sait pas compter autrement que sur ses doigts: Dufausset / Dujeton: faux-jeton.
C'est drôle, certes, mais trop facile et trop répétitif.
Même la critique de la langue du jargon, fondue dans le qui-pro-quo, s'y dissout. Et dix sous, ça ne vaut guère plus de cinquante centimes ! Les mots pourtant clairs sont ainsi un peu vite et facilement considérés comme appartenant au jargon d'un monde particulier. Seul demeure plutôt intéressant le "on" qui suggère autant "je" que "nous" que "tu" que "vous" et que chacun interprète selon sa pensée. Le qui-pro-quo devient alors révélateur d'un mot trop polysémique dont on use, aujourd'hui encore à tort et à travers et que d'aucuns proscrivent, le jugeant familier, se cachant bien souvent à eux-même la peur du qui-pro-quo qu'il peut occasionner.
Il aurait fallu mettre l'accent sur les fous changements de partenaires et les exploiter tous à égales valeurs (je pense notamment au domestique, épris de la femme du bon docteur).
Mais après tout, ce vaudeville n'est pas un vaudeville mais un proverbe. Un proverbe qui se donne pour objectif d'expliquer le sens de l'expression "acheter chat en poche", tout en accompagnant sa définition d'une morale. C'est là la vraie raison de l'overdose de qui-pro-quo.
Mais si le choix est le bon du point de vue de l'effet visé, il peut être boudé vu de la fenêtre de l'horizon d'attente.
Feydeau a voulu faire un proverbe, le spectateur attendait un vaudeville.
Voilà, s'il en est, un drôle de qui-pro-quo !