Que dire de ce chef d'œuvre de la littérature du 21ème siècle ? ce roman développant ses personnages de manières exquises au point que les tortionnaires se confondent avec les victimes, du point de vue de certain ?
Lola Lafon développe une intrigue intelligente, sans tomber dans un message "féministe" bateau, variant entre le point de vue de Cléo et celui de ceux qui l’ont aimée, connue ou juste croisée.
Les fragments des points de vue des différents personnages que nous offre Madame Lafon enrichissent d'une part le récit, mais force le lecteur à remettre en question ses propres convictions, car l'œuvre est empreinte d'une puissante dimension philosophique.
C'était la première fois que je lisais un roman de cette auteure, et ce n'est sans doute pas le dernier, tant son écriture est belle, raffiné mais aussi vigoureuse et passionnelle. Le travail et l'investissement de l'auteure sont notamment visible dans ces merveilleuses descriptions mais aussi dans la manière dont elle aborde les différents personnages, sans jamais omettre un détail de leur personnalité.
Parmi ces descriptions, je retiens notamment la métaphore/comparaison de l'écharde qui pour moi, définit de manière grandiose la situation dans laquelle se trouve chaque victimes de ce genre d'évènement, pour qui il est impossible d'en parler, tant le secret est lourd à porter.
"A force de temps, la chair écorchée se reconstitue mais l’écharde affleure."
Cléo est un personnage sincèrement émouvant qui ne se positionne pas en tant que victime sinon de coupable, ce qui arrive souvent dans ce genre de situation, malheureusement. De cette culpabilité, Madame Lafon extrait en grande partie la complexité de son personnage et nous offre une réflexion sur le pardon.
""Rien ne sera pardonné mais tout sera oublié." Cléo proposait l'oubli, Claude, elle, le redoutait : pas un jour ne passait sans que Claude ne se heurte à la défaillance de sa mémoire..."
Une écriture sincère d'une auteure captivante, "Chavirer" nous transporte vers les rives d'un passé dissimulé ; Entre les devants de la scène, sous le feu des projecteurs, et la péninsule, ou les cuisses et les talons tremblent. J'ai rarement lu un travail aussi passionné.
Merci !