J'avais jamais entendu parler de Virginie Despentes. Je connaissais ni le personnage ni ses romans. C'est seulement lors de la sortie de ce Cher Connard et de sa médiatisation dingue que j'en entendu parler. D'habitude ce genre de titre me débecte et je juge allègrement le livre à sa couverture comme on dit. J'aime pas la provoc et les titres comme ça, ça me donne trop l'impression d'un putaclic dans lequel faudrait pas tomber. Je me souviens encore quand ma copine voulait se procurer en librairie " Moi les hommes, je les détestes" et de notre débat autour de ce titre. Au final, des amies féministes ont eu le dernier mot en lui disant que c'était pas terrible comme livre, ça dénonce tout sans rien proposer de constructif. J'avoue, je l'ai pris comme une petite victoire.
Mais bref, Cher Connard. La première fois que je l'ai eu dans mes mains, c'était lors des fêtes, quand ma soeur l'a reçu en cadeau. Intrigué je l'ai feuilleté sans m'empêcher de lui partager mon petit commentaire désobligeant "Je sais pas trop de quoi ça parle mais ça à l'air assez haineux et rempli de ressentiment " ma soeur me répondu intelligemment: " ça me dérange pas ". Il aura encore fallu attendre d'autres fêtes et l'anniversaire de ma copine pour voir réapparaitre cette couverture et ce titre. Cela me fit beaucoup rire de le revoir à nouveau et cette fois je commençai à le feuilleter par le début, page par page et finalement j'acheva la lecture peu de jours après.
La grosse claque.
Y a une citation de Spinoza que j'essaye de garder en tête comme un adage : " Ne pas se moquer, ne pas déplorer, ne pas détester mais comprendre ". Elle résume beaucoup de choses surtout aujourd'hui où on passe sans cesse d'une controverse à une autre et où le public- protégé par son écran- représente le tribunal bien pensant de la morale qui dicte de manière dichotomique quel abject personnage mérite d'être puni ou non.
Le malaise.
C'est le premier match que j'ai eu avec Virginie, très vite on comprend qu'on est pas là pour ça et que ce ce cher connard on va passer plus de 300 pages à essayer de comprendre pourquoi il s'est comporté comme une merde et de ce qu'il reste à faire. Virginie ne va évidemment jamais avec le dos de la cuillère pour son cas et propose des séquences assez jouissives digne d'un bon exutoire.
On aimerait que ça arrive plus souvent des mecs comme ce cher connard blessé dans leur petite estime minable qui décide de relever un peu la tête en s'interrogeant pleinement sur les différentes sphères de sa vie qui l'ont conduit à se comporter minablement. Etre un connard n'est pas une fatalité laisse comprendre Despentes mais faut pas croire non plus que pour sortir de son état de connard par des subterfuges de notre petit ego à la recherche de protection suffise.
J'aime profondément la posture de Despentes et son attitude désinvolte. La meuf s'en fout clairement mais elle reste parfaitement lucide et elle a les mots pour sublimer sa colère et la faire comprendre à qui veut l'entendre. Comme personnalité et figure médiatique, il y a quelque chose d'hyper contemporain, de témoignage humain de notre époque et de ce qui s'y passe. Presque heureusement, la meuf a 50 ans passée ce qui lui permet d'avoir un certain recul nécessaire pour raconter la schizophrénie de notre société aujourd'hui. Même si elle est toujours profondément plongée dedans et brandira les armes probablement jusqu'à la fin.
C'est peut être ce que j'ai préféré au final cette narration décomplexé autours de ces deux personnages profondément humains confronté à nos enjeux de société. Quand on termine le livre y a presque un sentiment de réjouissance qui en ressort, les thématiques sont lourdes le discours semble parfois fataliste et désabusé, mais au final non ce qui en ressort c'est la preuve littéraire -mais vivante- que les choses changent et que notre génération est peut être en train d'écrire un nouveau chapitre- voir qui sait?- un nouveau livre.
L'espoir.
Oui le livre est profondément féministe mais il brasse beaucoup plus large aussi. Pas besoin d'être une femme pour ressentir une profonde aversion pour tous ces vieux porcs blancs agglutiné au pouvoir. Pas besoin d'avoir un passé de toxico pour comprendre l'échappatoire qu'apporte n'importe quelle drogue à nos petites têtes remplies d'habitudes et diktats étouffants. Pas besoin d'avoir agit comme un gros connard pour s'identifier à lui et comprendre qu'on a déjà agi avec nos privilèges comme un petit connard et qu'au fond il n'y a qu'un ou deux pas entre le petit connard et le grand connard. Pas besoin de tenir un blog féministe pour comprendre qu'on peut parfois se perdre corps et âme dans son combat jusqu'à en perdre sa santé mentale et sa lucidité.