J’adore Laurent Gaudé depuis bien longtemps, depuis « La mort du roi Tsongor » pour être précis. C’est à dire depuis 20 ans puisque c’est le Goncourt des lycéens 2002.
Deux années plus tard, j’ai tu et toujours autant aimé « Le soleil des Scorta », Prix Goncourt 2004. Je l'ai donc lu voici 18 ans et pourtant je sens encore le soleil sur ma peau quand j’y pense. Un vrai coup de cœur.
Et puis, au fil des années, j’ai découvert une production très éclectique mais qui toujours beaucoup transporté, et questionné : « Eldorado » dont les histoires de migrants étaient, et restent, malheureusement autant d’actualité, « Ouragan » à la Nouvelle-Orléans, mais aussi « Écoutez nos défaites » racontant des destins à la fois semblables et différents dans un roman chorale, encore une fois magistral.
Bref, vous l’aurez compris : je suis fan de Laurent Gaudé… alors comme je suis aussi fan de science-fiction, c’est avec beaucoup de bonheur que j’ai appris la sortie de son nouveau livre « Chien 51 ». Science-Fiction, certes… mais aussi, encore une fois, bien ancré dans notre époque tant ce n’est finalement qu’une anticipation qui, encore une fois, devrait nous questionner et nous alerter.
Je vous fais le pitch : Zem Sparak est originaire de Grèce. Il fut un étudiant engagé, il milita pour la liberté… mais la Grèce a été déclarée en faillite et a été le premier pays à être acheté par Goldtex, une entreprise multinationale, supranationale. Depuis, la Grèce n’existe plus, les grecs n’existent plus. Ils sont devenus des cilariés, mot-valise désignant les citoyens-salariés. Goldtex décide de tout, et tous doivent lui obéir. Certains ne voulaient pas l’accepter ? ils voulaient lutter, se révolter… mais cette révolte a été matée dans le sang. Les grecs ne sont plus libres, ils doivent payer pour rembourser, payer en abandonnant leur pays mais aussi leurs libertés.
D'un coup, la ville devint folle. Lorsque les dirigeants de GoldTex annoncèrent que le rachat de la Grèce était finalisé, les citoyens d'Athènes furent pris de panique.
Les grecs n’ont été que les premiers, on comprends que d’autres pays ont suivis, que d’autres multinationales se sont payés.
Depuis, la population a été déplacée, déportée, car le Péloponnèse est devenu un parc de recouvrement, zone de réception des déchets du monde entier. Ses habitants sont maintenant logés dans une mégalopole dénommée « Magnapole », une cité divisée en 3 zones, pour séparés les citoyens en 3 classes, en zone 1 les privilégiés, en zone 3 les damnés. Car oui, en plus d’anticiper ce futur où le capitalisme triomphe, Laurent Gaudé en tire aussi les conclusion du corolaire de ce triomphe : des pluies acides, et donc dangereuses, les mettent en danger car si la zone 1 est protégée sous un dôme climatique, la zone 3 ne le mérite pas. Ce sont des ciariés non-qualifiés, il n’est pas rentable de les protéger.
Zem Sparak est devenu policier, il est enquêteur en zone 3. Mais il va être « verrouiller » avec Salia, enquêtrice de zone 3 et devoir enquêter avec elle sur un meurtre concernant les 2 zones…
Je n’en dirais pas plus, je vous laisse découvrir… mais vous aurez compris que ce roman est encore une fois bien noir, et questionne encore une fois notre humanité et nos valeurs. Chien 51, c’est un monde où le capitalisme le plus dur a triomphé, c’est un monde où on a laissé Elon Musk et ses semblables se partager le Monde et ses habitants.
« Chien 51 », c’est à la fois un roman de SF et un polar, mais c’est surtout une critère de l’époque, un questionnement sociale, économique et écologique. Une œuvre forte et originale.