Admettons le directement, l'autrice de ce roman de fantasy "jeunes adultes" est une copine. Pas à son premier coup d'essai, puisqu'elle a déjà publié deux romans jeunesse, j'avais à cœur de la lire dans un format dont je suis plus proche, moi qui ai grandi dans les sagas fantasy parmi les plus célèbres (cf mon amour fou pour Robin Hobb).
"Chromatopia" est un roman prometteur. Déjà parce qu'il s'approprie parfaitement les codes du genre, tout en en proposant une lecture un peu plus moderne (homosexualité notamment...) qui, sans être parfaitement originale dans le genre, ne fait pas de mal. Ensuite parce qu'il repose sur une galerie de personnages attachants et fouillés, qu'il adopte un format choral maîtrisé donnant du rythme et de la cohérence au récit et qu'il est très bien écrit.
J'ai beaucoup aimé la première moitié du roman qui propose une situation originale et prend le temps de déployer les principaux ressorts d'une intrigue à tiroir qui s'annonce captivante. La dystopie proposée est de très bonne facture parce qu'elle incarne une division du travail réaliste et s'inscrit dans une géographie évocatrice, toute en verticalité, et essentielle à sa pertinence. La deuxième moitié du livre révèle en revanche au choix une sorte d'urgence à finir (pour entrer dans un format commercialisable) ou des difficultés à amener une conclusion à la fois plausible, inattendue et satisfaisante. Sûrement un peu des deux. A lire les derniers mots de l'autrice dans ses remerciements, on comprend la difficulté de l'exercice.
Ce biais n'est pas rédhibitoire, puisque le récit atteint bien un climax longtemps masqué et un dénouement relativement bien ficelé. Mais j'ai trouvé cette fin d'histoire hâtive et j'ai été parfois agacé du manque de réflexion de certains personnages (en particulier chez la nuance Noire) qui anticipaient mal les évènements et amenaient des péripéties certes foisonnantes mais un peu faciles (qu'on pense à l'expédition ratée dans la Nuance bleue). On pourrait pertinemment le mettre sur le compte de la fougue de l'adolescence, mais je reconnais également avoir levé un sourcil devant la rapidité des sentiments des protagonistes :) La démocratie apparaît comme un bon contre-modèle révélant toutefois des ambiguïtés clairement abordées dans le livre, mais en bon français jamais avare de critiques sur le fonctionnement de nos institutions, j'en aurais escompté une analyse plus fine.
Soulignons enfin les belles thématiques abordées : démocratie, égalité, adelphité, amour, sans caricature, avec des personnages comme Morgan très ambivalents. Bref, une lecture plaisante qui doit l'être encore plus pour un public cible moins blasé que moi.