Chronique d'une mort annoncée par BibliOrnitho
Une petite ville du Sud au lendemain d'une noce fracassante, un mariage comme personne n'en avait jamais vu, une nouba de tous les diables. Ceux qui ont dormi se réveillent avec la gueule de bois. Les autres sont dans un tel état d'épuisement qu'ils tiennent à peine debout, hagards et fortement imbibés. Santiago Nasar, riche jeune homme, s'évertue à chiffrer le coût exorbitant de la fête. Il enquête, pose des questions, alignent les chiffres. Il est entièrement à son calcul et ne remarque pas le regard des gens autour de lui, la gêne, l'inquiétude. Car tout le monde sait qu'aujourd'hui, Santiago Nasar doit mourir. Les frères Vicario clament haut et fort à qui veut l'entendre qu'ils le cherchent pour le tuer. On trouve d'ailleurs qu'ils en parlent trop et trop fort, comme s'ils cherchaient à ce qu'on les arrête dans leur entreprise désespérée. Car ils ne semblent pas avoir envie de commettre ce crime qu'ils perpétreront tout de même. Ils sont en désaccord, mais l'honneur leur commande d'agir car la mariée, leur sœur cadette, n'était plus vierge. Et la jeune femme, répudiée cinq heures après ses noces, a donné un nom.
L'écriture extraordinaire de Gabriel Garcia Marquez nous livre les évènements de cette journée, ceux de la veille et des jours à suivre. Sans chronologie, rapportant des anecdotes, des témoignages qui prennent petit à petit leur place dans ce puzzle passionnant. Le ton est bien plus près d'un reportage journalistique que d'un roman : l'auteur est en retrait et présente froidement les faits, donne successivement la parole aux différents acteurs du drame et leur permettant de s'exprimer : qu'ont-ils vu, entendu, pensé, pourquoi ont-ils réagit de cette façon, ou plutôt pourquoi n'ont-ils rien tenté pour empêcher le drame. Chacun a ses raisons : ils n'ont pas cru que les frères iraient jusqu'au bout. Justement, ils en parlaient tellement qu'on a cru à une fanfaronnade. On ne pensait pas que des gens du commun s'en prendraient à une personne riche, Santiago Nasar paraissait si tranquille, on le croyait de toute façon au courant.
Une histoire magnifiquement contée mettant en scène une petite ville et ses habitants, leurs croyances, leurs peurs, leurs petites mesquineries, les antagonismes séparant les clans et cet évêque qui vient visiter ses ouailles au matin du drame et qui ne descendra même pas de son bateau épiscopal se contentant de saluer la populace de haut et de loin le temps de charger à bord les nombreux cadeaux de ses pieux administrés.