Attention pour ceux qui n'ont pas lu le roman, je parle un peu de la fin dans ma critique
Comme d'habitude, Garcia Marquez ne nous aide sur rien du tout : narrateur inconnu, le je apparaît au bout de 20 pages d'on ne sait sorti d'où, des prénoms et des clés de compréhension lâchés au compte-gouttes au milieu du flux foisonnant du récit. C'est cette jungle qui fait le charme de la plume de Garcia Marquez, qui peut aussi perdre complètement un lecteur pragmatique, au risque de lui faire tomber le livre des mains (Cent ans de solitude en est l'exemple parfait).
Mais dans ce roman, le puzzle habituel dans lequel nous plonge Garcia Marquez fait moins fantasque qu'à l'habitude. La recherche d'indices prend une allure de récit policier : témoignages, reconstitution des scènes précédant le crime se mêlent, comme si on repassait tout au ralenti. Puis à partir de la moitié, les motifs du crime étant connus, la recherche d'indices devient presque obsessionnelle de la part du narrateur. La question se pose à l'envers : comment se fait-il, alors que tout le village était au courant, que personne n'ait pu empêcher le crime ? Les indices et témoignages font apparaître l'absurdité du crime, finalement banale histoire de vengeance, des frères, et peut-être même de tout un village vis-à-vis d'un individu étranger, qu'on n'a pas voulu intégrer. Rien qui puisse arranger les deux jumeaux, que l'honneur pousse à tuer, mais débectés à l'idée de passer à l'acte. D'ameuter tout le village sur leurs intentions semble être leur seule échappatoire désespéré, il y a bien quelqu'un de sensé qui arrêtera leur entreprise. Mais non. C'est le destin qui doit s'accomplir, même ceux qui essaieront d'empêcher le crime n'y arriveront pas. Le récit final de la mort de Santiago Nasar, dégoulinant de détails dignes d'un film d'horreur, défient l'imagination et le réalisme, et sonnent comme un espèce de point culminant à cette histoire à dormir debout.