Chronique d'une mort annoncée est une véritable tragédie classique à laquelle nous fait participer Gabriel Garcia Marquez ; unité de lieu et unité de temps, puisque tout se passe sur une nuit et l'aube. Une tragédie tressée par le destin ou le hasard, tout dépend le nom que l'on préfére donner à l'inéluctable. À la manière du théâtre antique, dans lequel tout le monde connait l'histoire et la fin avant que d’en écouter les premières répliques, Gabriel Garcia Marquez n'entend pas créer un suspens quant à la fin de l’histoire qu’il nous conte. En effet, voici la toute première phrase de son texte : « Le jour où il allait être abattu, Santiago Nasar s’était levé à cinq heures et demie du matin. » Voilà, c'est clair : Santiago Nasar, héros principal héros de cette histoire, va mourir.
Pourquoi ?. Par qui ?… Là non plus le prix Nobel de littérature ne va pas en faire tout un suspens. La raison est la perte de virginité d'une jeune femme découverte le soir de ses noces par l'époux plus que déconfit. Elle déclare que Santiago Nasar en est le responsable, mais sans une énorme conviction. Les assassins ? Les deux frères de la belle, habitués à manier le couteau puisque leur métier est de tuer et de débiter les cochons.
Et pourtant, du suspense il n’en manque pas !… Et tout tient dans l’écriture de l'auteur, dans sa façon de traiter son sujet. On en arrive à oublier comment les choses doivent se terminer… Comment ? Deux hommes qui avertissent tous ceux qu’ils croisent de ce qu’ils vont tuer un homme du village vont y arriver ?. Et cela alors que tout le village en est au courant et que nombreux sont ceux qui vont tenter d'éviter ce massacre ?...
Santiago Nasar est le jeune homme le plus riche de la petite communauté, mais fort apprécié par tous, y compris par ses assassins, ils feront tout pour que quelqu'un les empêche de commettre ce meurtre. En vain. Le village par son inertie, le poids de ses traditions, ses croyances, et superstitions devenant complice de ce crime d'honneur.
 De fil en aiguille, l’auteur construit ainsi un village en Amérique du Sud et le peint en fresque colorée, ainsi que les portraits des différents protagonistes de cette histoire dont le destin s’entremêle autour de cette fantastique intrigue. Il donne tour à tour le pinceau à chacun de ses personnages pour qu’il peigne l’autre.
Avec son ton anecdotique, fluide et pictural, le narrateur nous accompagne un moment, le temps de nous présenter un peu les lieux et les gens. Puis, le temps que l’on se familiarise avec l’ambiance et que l’on s’attache aux lieux et aux gens, il s’absente longuement et nous lâche troublé en plein village avec ses différents personnages truculents et presque touchants. Ce récit pittoresque et enchanteur est prétexte à raconter les traditions de ces gens, leur philosophie de la vie, ainsi que leur quotidien. Des gens qui vivent en vase clos entre eux, presque coupés du monde et noyés dans des préjugés dans lesquels ils se complaisent naïvement. Pour un peu on s'imaginerait en France, en 2016.

Scopa
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le 2 sept. 2016

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