Chroniques
7.6
Chroniques

livre de Bob Dylan ()

Time out of Mind, Chroniques par Bob Dylan...

Depuis les délires de Tarentula, on désespérait de voir Dylan reprendre un jour la plume. Et, si dans nos rêves les plus fous on se disait que cela pourrait tout de même arriver un jour ou l'autre, on avait toutes les raisons de craindre que la montagne accouche d'une souris. Ou plutôt d'un nouveau pied-de-nez dylanesque à la face de la critique et des milliers de freaks transis, dévorés par le désir d'en savoir plus sur le sieur Zimmerman.

Au lieu de ça, dans une écriture belle, limpide pourrait-on dire, Dylan se livre comme jamais il ne l'avait fait. Et c'est la première chose qui frappe. L'écriture de Dylan. Presque classique. On le savait poète, le voici écrivain tout simplement. Et on se demande de plus en plus s'il ne le mériterait pas vraiment, ce prix Nobel qu'on lui promet depuis tant d'années.

Dylan parle de son arrivée à New York, de la neige, du fait qu'on y marche beaucoup et que si on veut y survivre, il faut garder ses pieds en bon état. L'atmosphère du Village en ce début des années soixante y est décrite avec une précision étrange, presque onirique.

Bien sûr, on n'échappe pas aux visites à Woody Guthrie, et aux appartements squattés, jusqu'à ce que Dylan mette les voiles avec la collection de disques rares de l'un ou de l'autre. Lui qu'on imaginait profiteur et sans cœur, rend hommage, souvent avec classe. Pris dans ce creuset new-yorkais, la scène folk renaît sur les bases des chanteurs populaires des années 20. Pete Seegers, Dave Van Ronk. Toute la nouvelle scène folk, est là, et on se dit finalement qu'elle n'attendait que lui, Bob Dylan au Gazlight ou au Café Wha? C'est l'époque des premiers cachetons, les premières fiertés aussi. Bientôt, John Hammond, le repèrera et le fera entrer chez Columbia, et Lou Levy lui fera signer son premier contrat. Lui qui, dit-il, aurait été heureux de signer le premier papier qu'on lui aurait tendu.

Et puis il passe à la "dylan-mania" et à ses excès dont il ne s'explique toujours pas les causes. Il refuse en bloc l'étiquette qu'on lui a collé. Celle de chef de file d'une génération pénétrée d'idées révolutionnaires. Le roi sans couronne, accompagné de sa reine, Joan Baez. Lui, il se voit comme un troubadour, un saltimbanque, un musicien qui gagne sa vie en faisant (jusqu'à aujourd'hui et probablement jusqu'à sa mort) des concerts. Pas comme un leader, pas comme un auteur de protest-songs (quoi que cela puisse d'ailleurs vouloir dire).

On y voit un Dylan humble, mais jamais affecté. Mais, puisqu'il y a un mais, on y lit aussi un Dylan qui sait garder son mystère puisqu'on ne saura rien dans ce Volume I de la "grande époque" qui s'étend de The Freewheelin' jusqu'à Blonde on Blonde. Au contraire, Dylan va décrire la gestation d'un album atroce : Self Portrait et celle d'un album mineur mais de bien meilleur calibre : New Morning. Ce dernier ayant une signification particulière pour lui. Un retour à la vie et à la musique. Un bon disque mais pas de ceux qui sera longtemps soumis à interprétation.

Plus tard, il décrira un opus déjà bien meilleur, Oh Mercy, et ses séances d'enregistrement à la Nouvelle Orléans avec Daniel Lanois que Dylan rencontre grâce à son ami... Bono. On entre là dans la cuisine. Comment naît une chanson ? D'où viennent ses arrangements, qu'est ce qui fait que ça fonctionne, et surtout comment on combat à chaque instant la frustration ; celle que l'on ressent lorsqu'on abandonne un titre avec le sentiment d'avoir tout essayé, mais de n'avoir pu en tirer le meilleur.

Et puis, il y les moments quotidiens, ceux où il est simplement le mari (de qui ça n'est jamais clair, d'une année et d'un flash back à l'autre, cela a changé, mais il n'en est pas fait mention), le père, le type ordinaire qui va faire ses courses. A ce détail près que des gens se massent parfois devant sa maison parce qu'il n'ont trouvé que lui à suivre, à son grand désarroi.

Lui, n'avait jamais signé pour ça. Juste un bout de papier pour faire un disque de folk, et rendre (entre autres) hommage à Woody Guthrie. Mais, qu'il le veuille ou non, il s'est construit une légende.
lemoj
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le 17 août 2011

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