Voici un livre étrange, étonnant, hors de l'ordinaire, un des 3-4 meilleurs livres que j'ai lus depuis plusieurs années sans conteste. Une oeuvre inclassable, un monument. Oh ! je connaissais Haruki Murakami, j'avais lu ses nouvelles : "après le tremblement de terre " et "l'éléphant s'évapore". J'avais découvert cet écrivain en apprenant qu'il était entre autres le traducteur et ami de Raymond Carver, mon nouvelliste préféré.
Ses nouvelles m'avaient beaucoup plu déjà : un mélange d'humour, de fantastique et une écriture simple, non ampoulée. Je commençais alors à lire ses romans, et ce fut un vrai choc, depuis je les ai tous lus ; à part "les amants du spoutnik" et "danse, danse, danse" (la suite de la "course au mouton sauvage") un peu moins forts, tous sont des livres exceptionnels. On passe d'une infinie tristesse ("la ballade de l'impossible"), à un conte science-fictionnesque très réussi ("la fin des temps"), à un fantastique total ("la course au mouton sauvage" ou plus récemment "Kafka sur le rivage"), à une grande nostalgie ("au sud de la frontière, à l'ouest du soleil »), mais selon moi, un livre est légèrement au-dessus encore de ce lot d'exceptions : c'est "chroniques de l'oiseau à ressort".


Toru Akada, récent chômeur et son épouse Kimiko vivent dans la banlieue de Tokyo une existence des plus paisibles. Un jour, se faisant cuire des pâtes, notre jeune héros est dérangé par un coup de téléphone : une femme inconnue joue de ses charmes, il raccroche. Ca sonne à nouveau : c'est sa femme, le chat a disparu, il doit le chercher...en sortant il rencontre une jeune fille qui lui parle de femmes à six doigts ou à quatre seins. Elle lui propose de faire une sieste dans son jardin. Au réveil, ni chat, ni jeune fille...mais plein d'aventures plus étranges et fascinantes avec une ribambelle de personnages secondaires tous plus intéressants les uns que les autres, et personnages secondaires jouant pourtant un rôle central dans la narration, et personnages secondaires disparaissant ainsi "comme en vrai" ; on pense les revoir plus tard dans le roman, mais non !
Il y beaucoup de mystères et de merveilleux dans ces aventures-là et c'est une grande chance d'en être le lecteur ! Rêves et réalités se confondent, se mélangent, on recherche la part d'ombre de toute chose et de tout être. L'écriture de cet écrivain est magistrale, la narration est lente, mais sans superflu. L'absence relative d'action n'est pas gênante. On ne sort pas indemne de la lecture d'un tel livre et c'est la marque des très grands. Un livre déjà culte sans nul doute.
Ci-joint quelques phrases d'autres internautes glanées sur le web... Je ne suis pas le seul adorateur de ce livre.

Qualifié de "surréalisme soft", le style de Murakami joue sur la juxtaposition insolite des images ou des situations.
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Plus j'avançais dans la lecture du livre et plus je m'enfonçais avec l'angoisse du personnage. Il semblait qu'une existence prenait place en moi. Non pas dans la similarité des évènements mais bien plus dans la même tendance morose, une quête pour comprendre les évènements passés. Le livre est long 742 pages et il vous absorbe totalement. Aucun moyen d'en échapper.
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L'écriture de Murakami dessine une nouvelle fois un parcours initiatique, localement restreint, mais chargé de rencontres mystérieuses et déroutantes. Replaçant la méditation bouddhique dans la violence contemporaine du Japon ou d'ailleurs, il se propose d'explorer nos ténèbres intérieures. Sans se départir d'un humour où perce la détresse, il emmène le lecteur dans un monde fantastique où, toujours plus fuyante, la réalité n'en devient que plus envoûtante.
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A l'instar du puits, le récit catalyse comme un vortex, vie consciente et rêve, perte de sens et matérialité financière, suspendus au-dessus de l'énigme première, le départ de l'épouse du protagoniste. Cette profusion de sens noyauté par l'absurde, le vrombissement de forces occultes près d'un homme ordinaire et seul, archétype de Murakami, sont déployés avec un art qui confirme la place déjà bien établie dans la littérature contemporaine japonaise, aussi bien qu'internationale.
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Mais il n'y a pas que ça. La construction de cet ouvrage est tissée, de façon hyper-serrée, de renvois entre monde réel et mondes parallèles, que le personnage principal découvre à travers le songe ou des visions vécues au fond d'un puits. L'auteur y adjoint une bonne dose de surnaturel, de pouvoirs paranormaux – voyance, dons particuliers comme l'ubiquité, peut être... et sait glisser là où il le faut, des coïncidences qui dans le contexte n'en sont pas vraiment. Disons plutôt qu'un monde semble informer l'autre, que le songe informe la réalité comme la réalité alimente le songe.
frenchpeterpan
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le 7 mars 2012

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