Lu en Septembre 2021. Ed. Le livre de poche. 8,5/10
Quatrième lecture de mon S1. Dans la littérature du XVIIème siècle. « La tragédie : succès, normes, spécificités ».
Les œuvres de Corneille qui ne sont pas le Cid me sont longtemps apparues comme obscures, difficile, trop antique. Faut dire que les noms sont barbares « Rodogune, Horace, Polyeucte, Nicomède » et donc Cinna.
Déjà, il s’agit de noter que c’est une tragédie et que les codes et le ton seront de fait différents de la tragi-comédie qu’est Le Cid. Pourtant, quand on commence à lire, la différence n’est pas si grande. Des volontés de meurtres, des volontés d’amour, des vengeances, des dilemmes mais UN empereur. Un empereur qui est pourtant relativement éloigné des péripéties jusqu’à l’acte IV. Il surplombe donc la pièce pendant un long moment, les débats se faisant sans lui. En réalité, dès l’acte II il convoque les deux protagnistes de la conjuration, ses conseillers – Cinna et Maxime -, et les écoute longuement, avec bienveillance et confiance, loin de l’idée qu’on se fait d’un tyran qu’on veut assassiner.
Ainsi, Cinna est une œuvre complexe qui ne se donne pas directement. L’acte II est un débat d’idées politique, qui prend modèle sur le monde antique pour poser des questions actuelles (actualité de Corneille comme de nous). Mais c’est complexe, c’est argumenté, ça n’apparaît pas excessivement théâtral et pourtant, les trois personnages qui s’y expriment Auguste, Cinna et Maxime, sont susceptibles de porter un masque pour camoufler leur vrai visage, leurs véritables intentions. Et en effet, les questions de philosophie politique sont très pregnantes dans la pièce, et le spectre de Machiavel plane au-dessus de chaque personnage.
Le coté baroque, assez lourd suinte dans la pièce et il est difficile de croire que tout cela se prend au sérieux ce qui rend l’ensemble rigolo.
L’intrigue pleine de rebondissement est vraiment excellente, la fin est une apothéose. En bref, ça m’a beaucoup plu.
« Va-t’en, et souviens-toi seulement que je t’aime » (Emilie, I,4 – v354)
« Il faut sur un tyran porter de justes coups ; / Mais apprenez qu’Auguste est moins tyran que vous. [….] Mais l’empire inhumain qu’exercent vos beautés / Forcent jusqu’aux esprits et jusqu’aux volontés. » (Cinna, III,4 – v1051-52 / 55-56)
« Cesse de soupirer , Rome, pour ta franchise : / Si je t’ai mise aux fers, moi-même je les brise, / Et te rends ton Etat, après l’avoir conquis, / Plus paisible et plus grand que je ne te l’ai pris [….] J’aspire à son bonheur. » (Auguste, IV, 3 – v1221-24)
« Ou laissez-moi périr, ou laissez-moi régner » ( Auguste, IV,3 – v1192)
« Oui, tout ce qu’il a fait, il l’a fait pour me plaire, / Et j’en étais, seigneur, la cause et le salaire » (Emilie, V,2 – v.1565-66)
« Je suis maître de moi comme de l’univers » (Auguste, V-3 - v1696)