Tadaaaaa
Oui. Un bon coup de trompette héroïque histoire de marquer l'histoire terminée ! (ça en dit long sur mon enthousiasme et l'appréhension de ce roman).
J'ai pas lu le précédent de Madeline Miller (Le Chant d'Achille) mais t'as vu ça a l'air d'être un peu une fan de la mythologie et tout nan ? T'ajoutes à ça la déferlante d'histoires qui se propagent aujourd'hui sur les Sorcières (décidément ce foutu capitalisme s'empare de tout, même des mouvements féministes, à la grande frayeur prophétique de Mona Chollet, et j'en suis le premier à chialer...).
Mais ! (J'adore ce mais) Madeline Miller frappe un coup génial ; une réécriture de ce qu'on connaît de Circé qu'avait relaté ce bien trop inconnu Homère et donc un peu biaisé quand t'es sensé être un mec qui rend une sempiternelle gloire aux mecs, quand bien même auréolés de tragédies horribles et qui ont tous quasiment péri par la faute de femmes (ou divinités féminines bien entendu).
Anyways j'ai juste adoré ce point de vue. Circé valse parfaitement dans ce corps de femme qu'on imagine aisément aujourd'hui ; l'abus d'autorité, de manque de respect, d'envie de nuire à sa liberté, à son autonomie, de la part des frères, Père, amants et autres statues grecques immaculées.
Je vous invite à lire deux fois les passages sur Hercule, Jason, Hermès, au pourquoi Circé est devenue sorcière. J'ai même pris le temps de noter ce que Madeline propose pour éviter toutes proclamations abusives, car n'est pas sorcière qui peut, à moins d'un gros travail derrière :
"Laissez-moi vous expliquer ce que la sorcellerie n'est pas : ce n'est pas un pouvoir divin, qui vient en un clin d’œil, d'une simple pensée. Elle nécessite d'agir, de manipuler, de planifier, rechercher, fouiller, sécher, couper et moudre, bouillir, parler et chanter. Et même après toutes ces étapes elle peut échouer, ce qui n'arrive pas aux dieux. Si mes herbes ne sont pas suffisamment fraîches, si mon attention diminue, si ma volonté est faible, les drogues deviennent vertes et rance entre mes mains. [...]
Au début, bien sûr, tous mes filtres furent catastrophiques. Des potions sans effet, des pâtes qui se délitaient et restaient sur la table inutiles. Je me disais que si c'était bien d'utiliser un peu de rue, c'était encore mieux d'en mettre beaucoup, que dix herbes mélangées auraient plus d'effet que cinq, que je pouvais laisser mon esprit s'égarer sans que l'enchantement ne s'égare avec lui, commencer à préparer une potion et décider à mi-parcours d'en élaborer une autre. Je ne disposais pas de la plus élémentaire connaissance des herbes que n'importe quelle mortelle apprend sur les genoux de sa mère : j'ignorais qu'en bouillant du millepertuis, on obtenait une sorte de savon, que le bois d'if brûlé dans l'âtre produisait un brouillard suffoquant, que les coquelicots engendraient le sommeil et l'hellébore la mort, et que l’achillée millefeuille aidait les blessures à cicatriser. Tout cela, je dus l'assimiler par tâtonnements, à coup de doigts brûlés et de nuages fétides qui m'obligeaient à sortir en courant tousser dans le jardin."
Voilà ! En espérant que vous vous délecterez autant que j'ai pu le faire tout en tartinant mes wraps de fromage frais ; je n'ai absolument aucun reproche à faire sur ce bouquin, même pas un truc pour ternir ni rien, pas de quoi faire mon sale gosse et le meilleur dans tout ça c'est que j'en tire aucune frustration.
C'est tout simplement brillant, et ça remet pas mal en question ton besoin de t'accaparer, de dominer, d'élargir ta zone de confort, en tant que garçon assigné garçon à la naissance j'entends, au détriment d'une frangine.
Get it ! read it !