A propos de la Colombie, Santiago Gamboa écrit dans Colombian Psycho qu'il s'agit "d'un pays d'orphelins qui attendent réparation." Pas étonnant que son roman soit d'un noir si soutenu et que sa description d'une nation, traumatisée par les exactions des milices paramilitaires et écœurée par la corruption endémique des plus puissants, aille de pair avec les atours d'un thriller complexe mais maitrisé et hautement électrisant. Gamboa a tricoté une intrigue sinueuse contée à travers trois personnages positifs : un procureur et deux journalistes, qui tentent de résoudre une série de meurtres particulièrement atroces. Les protagonistes dans cet environnement brutal sont fort nombreux et parfois très pittoresques entre un prisonnier qui a été démembré vivant, une schizophrène paranoïaque ou une médium qui fait progresser l'enquête en cours. Drogue, sexe et violence donnent le tournis, l'évocation du caractère tentaculaire de Bogotá impressionne et les passages dédiés à la cuisine colombienne mettent l'eau à la bouche. Et on y apprend énormément de choses, à commencer par les "faux positifs", nom donné aux révélations qui, fin 2008, ont impliqué des membres de l’armée colombienne dans des assassinats de civils innocents, dans le but de les faire passer pour des guérilleros morts au combat dans le cadre du conflit armé. Dans ce maelström de sensations fortes, un soupçon d'autofiction vient encore relever cette aguardiente : la présence de Santiago Gamboa, lui même, acteur majeur de l'intrigue, que le roman ne ménage vraiment pas. L'auteur de Perdre est une question de méthode ne possède pas qu'une puissante,verve narrative, il a également en magasin un sens de l'humour et de l'auto-dérision assez pervers. Et c'est un compliment.
Merci aux éditions Métailié et à NetGalley.