Il y longtemps que je l’attendais, celui-là. Que j’attendais un bouquin qui, enfin, sortirait de l’ordinaire. Un bouquin écrit et désécrit pour aller à l’essentiel, ce que Violaine Bérot réussit à merveille.
Violaine Bérot est une femme de lettres française, née en 1967 à Bagnères-de-Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées. Elle fait des études à Toulouse, où elle obtient en 1987 une licence de philosophie, puis en 1991 devient ingénieur en informatique. Elle est formatrice et consultante en informatique à Toulouse, puis éleveuse de chèvres en Ariège.
De 1994 à 2018 elle publie neuf romans, forts et violents, souvent d’une grande noirceur, dont les sujets traitent de l’intime, des liens familiaux, de l’inceste ou du viol… Comme des bêtes est son dixième roman.
Non, je ne vais pas vous résumer le roman. D’abord, ce n’est pas un roman !
Cela pourrait être un interrogatoire. Même pas.
Ce n’est pas un interrogatoire… Ou alors, on n’a que les réponses. On devine les questions des enquêteurs, et on nous donne les réponses, les témoignages, les dépositions…
Il y a eu crime ?
Non.
Alors ?
Alors, la police veut savoir, c’est son rôle, elle veut comprendre pourquoi TOUT VA BIEN ! Ce n’est pas normal !...
Mais enfin, qu’est-ce qui se passe ?
Voilà, dans un village isolé des Pyrénées, à l’écart des autres habitations, Mariette et son fils vivent depuis des années. Ce fils, handicapé, n’a jamais prononcé un seul mot. En marge du village, chacun mène sa vie librement jusqu’au jour où, au cours d’une randonnée dans ce pays perdu, un touriste découvre une petite fille nue en compagnie du garçon handicapé qui, semble-t-il, l’élevait dans une grotte appelée "la grotte aux fées". On dit que, jadis, les fées y cachaient les bébés qu’elles volaient.
Alors, la police enquête, qui est cette fillette ? Que fait le garçon que tout le monde appelle "l’ours" avec cette fillette ?
Tout le monde défile au commissariat raconter ce qu’il sait… et surtout ce qu’il ne sait pas. Et les langues vont bon train !
De l’institutrice aux voisins, d’un fermier à la pharmacienne, c’est une suite de témoignages servant à instruire un procès, une enquête sur fond de drame ou un drame sur fond d’enquête, ponctuées des chants des fées qui fredonnent dans les interstices du récit.
Mais les fées de Violaine Bérot sont des fées du monde concret. Et en tant qu’elles sont les fées de l’épreuve du réel, de la vie reçue en pleine figure, elles existent sans avoir besoin de donner des preuves de leur existence. C’est l’erreur de la police. Pour le commissaire auquel s’adressent tous les témoins, il n’y a qu’une vérité : la vérité objective qu’on obtient par recoupement des différentes dépositions et par élimination des racontars. Mais au grand dam du commissaire la série des dépositions composent un fervent plaidoyer pour la pluralité des mondes et les racines imaginaires du réel que chacun habite. Le monde d’un gosse « anormal » n’est pas le monde de la police…