Après avoir lutté plusieurs semaines sur ce livre, je viens de tourner la dernière page il y a peu, et, ma première réflexion fut : « C’est… tout ? ». Je ne connais pas spécifiquement les travaux de cette autrice, je ne me souviens plus vraiment non plus comment son bouquin a fini dans ma liste de livres à arpenter, je l’ai récupéré dans une boîte à lire du coin, guère plus.
Pour résumer, l’action prend place à Paris autour de 2019, il s’agit des histoires entremêlées de deux personnages, L. et Antoine. La première est une pirate informatique sur les réseaux clandestins, qu’elle surnomme « le dedans », elle est assez talentueuse, pas la meilleure certes, mais clairement solide, et elle aide les femmes victimes de violences conjugales « au dehors », elle fait quelques dépannages occasionnels. Son compagnon part très tôt en prison pour piratage informatique (la confrontation dedans/dehors est la plus probable explication du titre de l’ouvrage à mon sens). Antoine lui, est assistant d’un député socialiste, venant de Normandie, c’est un transfuge de classe qui a pour ambition de rédiger un livre sur Robert Capa et Gerda Taro, inspiré par une photographie, il est célibataire et plutôt solitaire. L’idée est que L. va se sentir isolée et persécutée dans une (pseudo-)histoire d’espionnage, et va connaître un danger grandissant autour de sa petite vie, réfugiée dans un appartement au dessus d’un kebab. Leurs vies vont se télescoper lors d’une soirée organisée par une amie en commun qui tient une association féministe, Grenade(s).
Bon... ce roman promet quand même, à la base en tout cas, de bien taper dans certains de mes centres d’intérêts et de questionnements, ce qui m’a peut-être fait attendre un peu trop de lui. Sans trop rentrer dans le détail, je trouve que la narration n’est pas toujours adroite, avec le sentiment de m’être retrouvé beaucoup plus devant une chronique de son temps, un cumul de billets d’humeurs ou des réflexions parfois bien menées, parfois pas du tout, que face à un roman à suspense, ou d’amour, ou de quoi que ce soit. Le personnage d’Antoine est assez ennuyeux comparativement à L., même si elle ne m’a pas transcendé non plus. Assez peu actif en définitive, il semble presque avoir été rajouté aux forceps dans certains chapitre et m’a mené a faire comme lui, tourner en rond.
L’histoire est d’une inertie vraiment pesante, et le livre m’est tombé des mains à plusieurs reprises, en particulier parce qu’il a fallu attendre pratiquement 300 pages pour aboutir au résultat anticipé à la cinquantième. Si Alice Zeniter écrit plutôt agréablement, je n’ai pas vu d’originalité vraiment notable dans l’ensemble, je n’ai pas vraiment de citation remarquable mises de côté par exemple, et la mise en scène s’avère très répétitive : l’on suit simplement les interactions d’un de nos deux protagonistes, alternativement, tantôt d’un point de vue subjectif tantôt extérieur. Il y a aussi bien des descriptions, parfois utiles, parfois futiles qui peuvent encore appesantir un peu plus l’ensemble. Si l’autrice peut parfois mener de bonnes analogies, les répétitions ou le fait de trop les appuyer devient gênant. Autrement, la narration tourne aussi assez régulièrement autour du pot, pour filer des métaphores qui n’ont l’air que de servir de remplissage, la quatrième partie du livre étant le sommet puisque l’intrigue n’avance plus ou plutôt, sans le lecteur. Le ton de l’ouvrage est monotone, pas de moment vraiment dynamique, il y a une sorte de léthargie dans les personnages franchement en dépression, alors que le temps décrit est relativement court, moins d’un an je pense, et qu’il y a des tentatives trop maigrelettes et trop longtemps attendues dans le dernier quart de l’ouvrage de donner un peu plus de mouvement à l’action.
Ceci-dit, il ne faut pas cracher dans un verre à moitié rempli de soupe telle la rosée du matin qui perle sur une biscotte enduite d’huile… Je pense très sincèrement que dans plusieurs années, ce bouquin aura quand même un aspect éventuellement utile : non pour ses qualités d’écriture mais plutôt pour la certaine finesse proposée dans la chronologie des événements. Comme un empire dans un empire a le mérite de retracer quelques dates clefs relativement notables des luttes sociales en France des années 2010, ou d’expliciter assez humblement mais sans les déformer, les luttes intestines et l’organisation des pirates informatiques, et de vouloir casser l’image manichéenne que les clichés véhiculent. Alice Zeniter met aussi quelques mots sur des intuitions, des sentiments sur quelques symboles ou objets culturels de notre temps, comme l’indécence des puissants à se plaindre d’avoir à éliminer les plus faibles visible à plusieurs reprises, des échelons politiques à la simple émission de télosh. Si le livre n’est pas teinté de parisianisme (il ne présente pas de culte de la capitale), il anticipe un tant soit peu, ou plutôt explique le genre d’engouement des citadins qui partent vers les campagnes, mouvement qui s’est fortement développé ou accéléré suite au premier confinement de 2020. Cependant, cet intérêt pour la vie rurale des micro-communautés plus ou moins autonomes est un peu pataud et surjoué, mais a le mérite d’être pertinent malgré le fait qu’il soit idéalisé (le seul problème semble être la pluie… wow).
De fait, je ne saurais conseiller cet ouvrage qu’à des gens patients et avec l’avertissement qu’il ne s’agit pas tout à fait d’un roman, mais d’un objet culturel un peu hybride, riche et curieux de nombreux sujets, où ni la narration ni l’écriture ne sont vraiment les points d’intérêts, et qui m’a semblé à la fois trop long et inachevé.