Austin, quinze ans, vit avec sa soeur ainée "Ab'lene" et leurs parents au coeur du désert texan. C'est au sein de ce décor aride que la soeur entraîne son frère afin qu'il devienne LE meilleur lanceur de Base Ball. Tous deux se surnomment les FIREBALLERS. Austin se plie aux ordres d' Abilene et lui voue une admiration totale. Il sait que celle-ci est meilleure que lui (ce qu' elle s'attache d'ailleurs à lui démontrer régulièrement) mais il est aussi le témoin privilégié de l'inconstance de sa soeur et de ses dérives ponctuelles. Malgré tout, il l'admire et ne peut que prendre son parti face aux autres, ses parents y compris. Inéxorablement, Abilene entraine son frère, mais également ses parents, dans une violence sourde ou chaque assise semble se fissurer.
Pete Fromm signe un grand roman où notre attention est mobilisée à tout instant. La bipolarité avérée d'Abilene devient vite le moteur d'enjeux plus souterrains. L'aridité (dans le sens de sécheresse mais aussi d'absence d'attrait) de la ville conduit-elle aux débordements de ces enfants? Les parents a priori sans faille ne sont-ils pas des monstres d'égoïsme ?... On est irrémédiablement séduit par le charisme et l'énergie de la sœur. On est progressivement inquiet, craignant que le pire arrive. On est indulgent avec ses excès avant d'anticiper des actes plus graves encore que ceux dont elle est capable. On a envie qu'elle guérisse de ses maux, tout en craignant que la prise de lithium ne fasse disparaître ce qui fait la beauté de son personnage. Tout comme Austin, le lecteur est sans cesse interrogé, déchiré par ces ambivalences.
La grande force de Pete Fromm est de nous faire aimer ses personnages au point de ne vouloir en choisir aucun. Chacun est à son tour touchant, énergique, abattu.... Rarement on a pu lire un portrait aussi poignant de parents ébranlés par les événements, mais essayant sans cesse de tenir leur rôle : se protéger eux et leurs enfants. Le fort ancrage dans le réel voulu par l'auteur est également un des éléments inoubliables du livre. Ici, pas d'escalade vers un final époustouflant, juste une tension permanente où le pire est autant ce que l'on lit que ce que l'on craint. Ce n'est pas une lapalissade que de dire qu'il est bon de lire un roman qui a confiance en son écriture et en son pouvoir de suggestion. Comment tout a commencé ne se raconte pas, ne se limite pas à son synopsis, il nous fait vivre sans artifice avec ses personnages de chair et de sang et nous rappelle ce qu’ est aimer la littérature.
• Bruno : 8/10