Une ascension difficile, mais quel beau panorama au sommet !

Les livres de William Gibson sont des sommets montagneux : ils culminent vers un point de convergence qui se trouve quelques pages avant la fin, mais une fois refermé, le lecteur peut entamer par lui-même la redescente et réfléchir à ce qu'il a lu.

Comme bien des sommets, Comte Zéro est difficile au début et plus gratifiant à la fin. Ne nous voilons pas la face : le début est déroutant, et découragera des lecteurs bien disposés. Les situations de départ qui enclenchent les trois intrigues qu'il faudra suivre en simultané ressemblent à des clichés de film d'action :

- Turner, un gros bras qui doit organiser l'exfiltration d'un savant au gré d'une guerre entre deux conglomérats, Mass et Hosaka (Au passage, Turner est un des rares héros dont l'introduction commence par son éparpillement en petits morceaux et sa reconstitution biotech). Il bosse pour un certain Conroy, avec qui il est en rivalité.

- Marly, ancienne directrice de galerie qui enquête sur des oeuvres d'art dont l'auteur est inconnu, pour le compte d'un multimilliardaire, Virek (dont le corps est condamné à être conservé dans une cuve).

- Bobby Newmarsh, alias Comte Zéro, un gamin d'une banlieue pourrie du New Jersey qui passe à côté de la mort après qu'on lui ait refilé à son insu un programme militaire.

Ces trois intrigues vont très progressivement converger jusqu'à un dénouement final empreint de violence cybernétique épique. L'intrigue est complexe : comme dans Neuromancien, les tenants et aboutissants n'apparaissent que peu à peu, et sitôt fini, on a envie de reprendre le livre pour chercher la réponse à toutes les questions que l'on a été amené à se poser en cours de route. C'est très construit.

Aujourd'hui beaucoup de situations ressemblent à des clichés, notamment dans la partie dédiée au mercenaire, Turner. Mais avant de crier au déjà vu, il faut regarder la date : nous sommes en 1986, et Masamune Shirow n'en est qu'à ses débuts.

Parmi les gros points forts de Gibson, à mon sens :

- Un univers qui va en s'enrichissant constamment, avec un sens de l'évolution et du vieillissement : on revient sur certains lieux de Neuromancien, et notamment le passage dans les débris de Zonelibre est une belle apothéose contemplative. De même, la matrice a changé depuis Neuromancien, et l'on croise à plusieurs reprises d'anciens hackers nostalgiques. C'est très savoureux.

- Une maîtrise visuelle et une précision dans le vocabulaire impressionnante. Je pense que peu d'écrivains peuvent décrire les machines et les environnements urbains comme le fait Gibson.

- Des juxtapositions vraiment étonnantes et heureuses : vaudou/programmation, machine/art, friches urbaines/arcologies, etc...

- Un récit cohérent et crédible. A noter que le vocabulaire est moins jargonnant que dans Neuromancien, même s'il sera difficile pour un curieux de se lancer dans Comte Zéro sans avoir lu le premier opus.

"Comte Zéro" est un roman d'abord difficile mais un ouvrage vraiment important car bourré d'idées. Accessoirement, c'est aussi un très bon roman d'action. ^^
zardoz6704
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le 19 juil. 2012

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