Je ne serai jamais objectif avec Jean-Christophe Grangé, auteur dont j'ai dévoré l'intégralité des romans depuis "Le vol des cigognes", dans la seconde moitié des années 90.
J'ai tellement d'attrait pour son style, sa langue, ses références, ainsi que pour ses héros torturés et son goût des voyages, que je suis capable de lui pardonner ses errances scénaristiques, sa complaisance vis à vis de la violence et ses concessions à la littérature de gare.
Dans cette deuxième partie de son diptyque africain, suite directe de "Lontano", on retrouve en effet toutes les manies agaçantes du romancier à succès : personnages et situations bigger than life, invraisemblances majeures (dans le récit mais aussi dans la psychologie des personnages), motivations rocambolesques des divers psychopathes que compte "Congo Requiem" (et ils sont nombreux), violence aussi extrême que gratuite parfois...
En prime, on aura cette fois un dénouement décevant, d'autant plus que cette fin expédiée fait suite à une gigantesque saga de deux fois 800 pages! Beaucoup de temps investi pour pas grand chose, sauf évidemment pour les fans du bonhomme et de sa langue inimitable.
Oui car rien à faire, j'ai encore pris beaucoup de plaisir à suivre les membres de la famille Morvan, en particulier sur les terres africaines dans la première moitié du bouquin, .
Grangé excelle dans ses descriptions du continent noir, au beau milieu de la guerre civile : d'un bivouac au cœur de la brousse à un improbable voyage fluvial sur des barges flottantes, en passant par un village ciblé par des bombardements, on suit avec avidité les pas d'Erwan et de son père Grégoire, sur les traces de leur passé familial et de leur quête respective.
Les autres membres du clan ont droit eux-aussi à leur arc scénaristique : celui de Gaëlle reste le plus captivant, en dépit de ses invraisemblances. Loïc subit quant à lui une évolution psychologique trop extrême pour être vraiment intéressante, tandis que des personnages tels que Maggie ou Sophia sont hélas sacrifiés.
On le voit, "Congo requiem" comporte beaucoup de défauts au moment du bilan ; et pourtant, contre toute logique, j'ai pris du plaisir à lire ce nouvel opus, qui parvient une fois de plus à combiner meurtres sanglants et géopolitique, quête existentielle et goût du voyage, sombres mystères et second degré. A ce titre, la séquence de l'interrogatoire du flic bobo, celui qui "vapotait comme un chef sioux", reste un sommet d'humour à la Grangé.