Puzzle cubiste
Ce chef d'oeuvre de Vargas Llosa, à l'écriture rythmée et polyphonique, tisse une soierie aux fils littéraires enchevêtrés : les écritures comme les personnages se multiplient, la linéarité du récit...
Par
le 15 sept. 2021
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Par un concours de circonstances, Zavalita (le "protagoniste") rencontre l'ancien chauffeur de son père qu'il n'avait pas revu depuis plusieurs années. Il l'invite à boire un verre au bistro "La Cathédrale". Ils vont finalement passé la soirée à se raconter leur vie et à se donner des nouvelles de leurs connaissances communes sur au moins une décennie (fin du premier chapitre).
Par la suite, la construction du livre vise (si j'ai bien compris) à recréer une illusion de discussion décousue entre ivrognes qui doivent rattraper le temps perdu en passant d'un sujet à l'autre, d'une anecdote à l'autre, d'un personnage à l'autre.
Avec le dernier chapitre on retourne au bar pour clore cette "conversation à la Cathédrale" mais entre temps, on a balayé plus de 10 ans de l'histoire politique et sociale du Pérou en 500 pages en compagnie d'une vingtaine de personnages.
La construction du roman est déconcertante: on change de narrateur à chaque paragraphe, voire même parfois à chaque phrase. Il arrive que les répliques d'un dialogue entre les personnages A et B tenu à un instant T soient mélangée avec celles d'un autre dialogue entre d'autres personnages C et D à un tout autre moment. Au sein de la même phrase, il arrive aussi que s'opère un changement de point de vue. C'est assez déroutant, voire même décourageant au début. La lecture au début est d'autant plus malaisée qu'il y a une vingtaine de personnages qui interagissent les uns avec les autres sous des pseudos différents ou dans des villes et à des dates différentes. A chaque paragraphe, on change de ville, de point de vue, d'époque.
Toutefois, à mesure que l'on avance dans la lecture et que l'on comprend mieux les relations entre les différents personnages, cette construction devient essentielle. Les morceaux du puzzle s'assemblent facilement. Les noms, les dates et les lieux deviennent familiers.
Au delà de simuler une conversation à bâtons rompus entre deux ivrognes plein de souvenirs, on comprend finalement l'intérêt de cette architecture alambiquée:
- montrer simultanément toutes les facettes d'une même réalité
- faire ressentir comment l'histoire politique du Pérou est le fruit d'une combinaison d'intérêts personnels à tous les niveaux de la société: ceux des militaires, ceux des oligarques, ceux du grand frère américain, ceux des domestiques et des prostitués, ceux des partis politiques.
- créer une tension / un suspens qui participe au plaisir de lecteur qui reconstruit la chronologie de l'histoire
Une lecture exigeante mais qui en vaut la peine !
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Créée
le 10 août 2015
Critique lue 1.3K fois
3 j'aime
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