Une histoire d'amour diabolique
Le talent d'écriture est-il héréditaire ? Avant de me lancer dans la lecture de ce livre, je me le suis demandé, et pour être franc, j'y suis un peu allé à reculons. Joe Hill étant le fils de Stephen King, j'imaginais qu'il ne devait l'opportunité d'être publié qu'aux relations de son père, et les premiers paragraphes ne m'ont pas rassuré en raison d'un style descriptif aux trop nombreux adjectifs. Après une petite dizaine de pages, j'ai toutefois commencé à être intrigué par cette histoire de diable en herbe, et finalement, après environ 50 pages, j'étais (à ma plus grande surprise) complètement happé par l'intrigue. Comme quoi, il ne faut jamais trop se fier à ses aprioris…
Ce roman est scindé en 5 grandes parties qui ne se suivent pas chronologiquement. Durant 400 pages, Joe Hill va mêler présent et passé, et faire de nombreux aller-retour entre l'adolescence d'Iggy Perrish et sa vie de jeune homme maudit. Si tout ce qui concerne les fameuses cornes et leurs pouvoirs s'avère réjouissant à lire, les flashbacks sont un peu plus conventionnels. L'histoire d'amour entre Merrin et Iggy constitue le sujet principal du livre, soyez-en bien conscient avant de vous lancer dans sa lecture. Si vous n'aimez pas les histoires d'amour pleines de candeur, vous risquez de pester devant la place importante que prend l'idylle adolescente entre ces 2 âmes sœurs.
Depuis que ses cornes sont apparues, Ig peut non seulement influencer les gens rien qu'en les regardant, mais il peut également tout savoir de leur passé dès qu'ils le touchent. Ainsi, une partie cruciale de l'intrigue (la dernière soirée de Merrin) sera vue sous 3 angles différents pendant de longues pages, et si la perception des évènements diffère d'un personnage à l'autre, ce procédé est un peu rébarbatif dans un livre qui ne comporte que 400 pages. En revenant encore et encore sur un point clé de l'intrigue, Joe Hill nous permet certes de bien comprendre ce qui s'est passé, mais il donne aussi parfois l'impression de faire du surplace, narrativement parlant. De plus, la quatrième partie du roman qui est consacrée au grand méchant de l'histoire est loin d'être passionnante, et par moments, on se demande où l'auteur veut en venir (toutes ces histoires de chat et de lune).
Dans l'ensemble, Cornes reste toutefois très plaisant à lire. Joe Hill possède un vrai talent de conteur, et il semble prendre un malin plaisir à confronter son héros aux cruelles confessions de son entourage. Ce roman possède également une bonne dose d'humour noir, et tout comme son père, Joseph Hillstrom King possède un réel don pour décrire la période charnière de l'adolescence, et plus particulièrement les relations d'amitié entre garçons. Toute la partie purement fantastique consacrée à la cabane magique s'avère bien moins convaincante : plutôt que de nous proposer une explication trop tirée par les cheveux, j'aurais préféré que l'auteur nous laisse carrément dans le flou quant à l'origine des cornes. Le pourquoi du comment n'est finalement pas si intéressant que cela, et j'aurais aimé voir Iggy s'amuser davantage encore avec ses pouvoirs diaboliques, car c'est dans ces moments de pur sadisme que le fils de Stephen King excelle le plus.