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De 1967 à 1970, Jane Sautière vit la fin de son adolescence au Cambodge, où son père a été envoyé en tant qu’agent du renseignement. De cette brève période, qui est celle du début de la guerre civile qui mène à la prise de pouvoir des Khmers rouges, ne subsistent qu’une mémoire en débris, des ombres projetées comme ces « corps flottants » du globe oculaire, qui obscurcissent un instant la vision sans que l’œil puisse tout à fait les fixer. Entre les réminiscences d’impressions sensorielles laissées par la vie au Cambodge, ces ombres du passé familial et historique se glissent, presque insaisissables.


Sous le patronage affiché de Duras, longuement citée dans un chapitre central du roman, Jane Sautière fait de ces vides de l’existence une condition même de l’écriture (« C'est sans doute cela qui écrit, l'enfant de la forme vide, agitée par une illusion dévoilée. Lorsque rien ne se propose plus pour habiter l'image, il y a l'écriture. C'est sa place. »). De la mort précoce d’un frère et d’une sœur aînée qu’elle n’a pas connus, de la violence du régime des Khmers rouges qu’elle n’a pas su voir, Jane Sautière ne dit ainsi que l’infime part tangible, laissant toute leur place à l’ellipse et au vide, poétisant avec ce qui n’est pas une fausse pudeur, une façon de contourner ou de détourner les yeux, mais simplement la manière la plus juste de restituer les intermittences de la mémoire et les insuffisances du cœur. 

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le 5 nov. 2022

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Cyril T

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