Un échec romanesque sur un thème pourtant intéressant...
Publié en France à l'automne dernier, ce roman de 2009 de la "prodige" allemande Juli Zeh se présente sous les meilleurs auspices : une dystopie sur le principe de précaution, poussé à l'extrême en matière sanitaire, lorsque le "droit à la santé" est devenu un authentique "devoir de santé", assorti d'un système de justice et de contrôle, "la Méthode", permettant de garantir que la Raison gouverne bien le monde...
Hélas, le récit déçoit, non par insuffisance de l'argumentation (comme trop de ses semblables pêchant par une trop faible qualité spéculative), mais par faiblesse romanesque : à force d'épurer le discours, les péripéties, les points de vue, la fable est devenue une quasi-dissertation, terriblement prévisible, au point que l'ensemble pourrait (quasiment) se condenser en deux thèses opposées (dont le roman constitue bien l'affrontement) : "Les termes de la question" en deux pages (pp 171-172) et "Question de confiance" en trois pages (pp 173-175)...
Sur un thème très proche, la Blandine Le Callet de "La ballade de Lila K" avait échoué pour des raisons opposées (qualités romanesques indéniables mais pauvreté de la spéculation). Sur un thème dystopique différent, la Margaret Atwood de "La servante écarlate" avait réussi (parfois de justesse) à éviter l'écueil du roman-squelette "à thèse". Juli Zeh, à mon sens, n'y est pas parvenue ici...