Entre la claustrophobie spatiale d'Alien, le huitième passager et le festival de viscères et d'hémoglobine de Cannibal Holocaust, il n'y avait qu'un pas à franchir pour la plume de Jérémie Grima. Un pas de géant, dont la sobriété de la quatrième de couverture n'en laisse présager qu'une infime partie. Faire "pénétrer les dents de sa scie dans la chair rosée", c'est déjà assez imagé pour nous mettre l'eau (ou le vomi) à la bouche. Alors que dire quand, à ces promesses de découpage de chair à vif, se joignent tension paranoïaque et délire scatophile dès le prologue ?


Rien, sinon se laisser aller à une jubilation salvatrice. Qu'il s'agisse de complaire son regard d'amateur de films d'horreur dans une avalanche de clichés aussi rébarbatifs que maîtrisés, dans les haut-le-corps provoqués par des scènes de boucherie imagées avec brio, dans une critique sociale aussi discrète que tapageuse (à base d'"industriels sans scrupule" copieusement vilipendés par une instance narrative à la troisième personne)... Tout au fil de la lecture se ressent l'amour inconditionnel de Grima pour les films d'horreur qui ont visiblement bercé son adolescence. Ressorts narratifs et descriptions de lieux et de personnages confinent aux lieux communs de tous les instants, en références particulièrement appuyées à Massacre à la tronçonneuse.


Aussi balisé soit l'univers de Grima, il n'en oublie pourtant pas de les napper d'un style parsemé de métaphores et de figures d'amplification particulièrement efficaces. Sur un écran de cinéma, Cosmos Cannibale ferait figure de splatter movie hybride sans grande consistance, sinon celle du vomi que lâcheraient les spectateurs sensibles. Certaines tensions animant les personnages au fil de leur progression dans l'abattoir spatial, en préambule à leur massacre lent et méthodique, perdraient de leur impact sensitif au détriment d'une souffrance qui aurait l'air plus poussive que viscérale. Preuve en est que le support textuel demeure une alternative parfaitement pertinente au cinéma pour la mise en scène de récits horrifiques percutants.


Au vu de la rapidité de l'hécatombe dont souffrent les victimes des cannibales, tout développement psychologique pourrait pourtant sembler superflu. Il demeure malgré tout essentiel au dénouement logique à l'exposition du personnage de Zia à toute cette violence. Grima y parvient de plus tout en finesse et en relations de cause à effet aussi logiques que bien intégrées à l'histoire. Cosmos Cannibale, c'est près de 180 pages qui filent à une cadence folle, presque le temps d'un film d'horreur pendant une soirée pizza. Avec une qualité littéraire inversement proportionnelle aux vertus cinématographiques d'une grande partie des longs-métrages du genre. De quoi se laisser tenter par le reste de la collection Karnage, pourvoyeuse d'une pelletée de romans horrifiques aux couvertures des plus évocatrices ; après tout, un public averti en vaut deux !

Aldorus
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le 24 janv. 2023

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