Troisième volet de cette vaste fresque spatiale, Courageux présente une trame similaire au précédent volume, puisque ce nouveau récit met toujours en scène la flotte rescapée de l'Alliance qui essaie de rejoindre sa base tout en tentant d'échapper à la flotte Syndic qui la poursuit. La situation initiale voit en effet la flotte émerger dans un nouveau système solaire syndic et tenter d'y survivre et de s'y réapprovisionner. Sa situation, toujours aussi précaire, accentue l'effet d'angoisse qui étreint le lecteur plongé dans cette saga. Si les scènes de batailles spatiales sont toujours présentes, l'auteur a cette fois davantage mis l'accent sur les confits internes de la flotte perdue et sur les dilemmes qui étreignent le Capitaine John "Black Jack" Geary. On le voit s'opposer à certains de ses officiers mais aussi à sa compagne, la coprésidente Rione qui a appris que son mari était peut-être encore vivant dans une geôle ennemie. Cela apporte une dimension psychologique à cette série qui semble devoir beaucoup à la fois aux romans de space opera et aux romans maritimes comme ceux mettant en scène le Capitaine Hornblower de C.S. Forester.
On retrouve d'ailleurs chez le Capitaine Geary cette même dimension autocritique, ce même éternel questionnement, cette même constance dans la recherche de la parfaite manœuvre qui caractérisent Hornblower, tout cela transposé dans l'espace et dans quatre dimensions. Voulant échapper aux simples poncifs du space opera, Jack Campbell tente donc de nous plonger dans l'esprit d'un commandant de flotte qui a en charge des milliers d'âmes mais également la survie de l'Alliance, voire du genre humain. On sent ainsi peser sur lui le poids de ces responsabilités qu'il essaie parfois de partager avec des personnes de confiances. Mais au final, c'est bien sur lui que tout repose. Cette volonté manifeste de rompre avec certains héros manichéens du genre est louable, mais le lecteur n'échappe pas à une narration linéaire qui ne lui donne accès qu'au seul point de vue de John Geary, ne lui permettant de saisir celui des Syndics qu'en de rares occasions, notamment lors de l'interrogatoire d'un prisonnier ou après l'étude de messages interceptés par les services de renseignements de l'Alliance.
Ces quelques digressions, auxquelles s'ajoute une attaque terrestre des forces d'intervention, représentent les seules péripéties qui viennent s'intercaler entre les introspections de John Geary, les dialogues avec les différents officiers et les scènes de combats. On se doute bien qu'il y a quelque chose d'autre derrière, comme dans Starship Troopers de Paul Verhoeven, mais sans doute va-t-il falloir attendre la fin de la saga pour comprendre tout ce qui se dissimule derrière cette guerre. Pour cela, il suffit de se laisser emporter par la verve narrative de l'auteur qui sait parfaitement distiller ses ambiances et mettre en scène des combats d'un rare réalisme.