Il a été dit et écrit tellement de choses sur ce bouquin qu'il est sans doute difficile d'en faire une critique objective. Porté au nues par certains, devenu en quelque sorte emblématique du climat insurrectionnel qui perdure dans l'hexagone depuis 6 mois. Décrié par d'autres, accusé, je cite, "d'armer les esprits", par un quelconque porte-flingue de la Macronie. Au point que Branco a du annuler les conférences qu'il entendait donner à Toulouse et sans doute un peu partout en France.
Factuellement, il s'agit d'une sorte d'enquête, pas véritablement journalistique, sur les liens de collusion entre médias, grosses fortunes et classe politique. Pas véritablement journalistique parce que Branco, du fait de ses origines sociales et de son parcours, a fait partie de ce milieu, qu'il nomme le petit-Paris. Il base donc son argumentation sur sa propre expérience personnelle, et aussi d'une certaine façon, sur ce qu'il a pu entendre comme rumeurs, ragots et racontars dans cette basse-cour. Reste qu'il a croisé pas mal de "ceux qui comptent", pour reprendre une expression chère à notre bien-aimé président. Et qu'il ne les a pas croisé seulement dans une gare...
Le bouquin est assez complexe, car il compte un paquet de protagonistes, et que Branco expose par le menu les liens familiaux ou professionnels qui les interconnectent. Au point que l'on finit un peu par s'y perdre entre le beau-frère de l'un qui s'arrange pour nommer la femme de l'autre à tel poste, moyennant une subvention généreuse accordée par un tiers à l'oncle du premier dont l'épouse montera une start-up pour bénéficier des retombées de l'opération. J'exagère à peine, et il s'agit en réalité, je pense, que c'est ce que le commun des mortels ou le français moyen subodore sans mal. Sauf que Branco donne les noms et les détails. Et que l'on y retrouve à peu près tous les membres du gouvernement actuel et la quasi-totalité des conseillers de l'Elysée (dont certains ont depuis démissionné). Ainsi que l'inénarrable Bernard Arnaud, vous savez celui de Merci Patron. En démiurge pas vraiment désintéressé de tout ce joli petit monde, oeuvrant avec une ardeur inversement proportionnelle à ses convictions pour faire élire celui que vous savez.
Reste que ce n'est pas franchement très folichon à lire, un peu embrouillé aussi. D'autant que, même si le bouquin a été réécrit avant sa publication, il y subsiste quelques phrases particulièrement longues au début desquelles il faut parfois revenir pour en trouver le sujet. Il n'y a pas à dire, Bégaudeau a plus de punch et aussi plus de style, ce qui se conçoit puisqu'il est prof de français. Mais ça reste un document intéressant, dont il est sans doute salutaire d'entreprendre la lecture, ne serait-ce que pour affermir l'idée que ce concept d'entre-soi ne relève pas du pur complotisme.