C'est assez chouette de lire Croc-Blanc juste après l'Appel de la forêt. Les deux œuvres se font forcément écho : même si les deux chiens n'ont pas de lien de parenté, l'histoire de l'un commence là où finit celle de l'autre. Dans l'appel de la forêt, le chien part d'une grande maison douillette de Californie pour retourner à l'état sauvage dans le grand nord, tandis que Croc-blanc suit l'exact chemin inverse. Les deux livres se complètent ainsi d'une belle manière. C'est assez étonnant de voir à quel point leurs écritures divergent légèrement pour faire corps avec le récit. Si l'appel de la forêt est un livre, rapide, violent, plein de vie, Croc-blanc est finalement son pendant un peu plus étiré et "doux" (notamment le début de son enfance), bien qu'il ne soit pas dénué de dureté, loin de là. On pourrait reprocher à Croc-blanc de ressembler énormément à son grand frère : un chien-loup supérieur à tous les autres, l'homme qui vient libérer le chien et auquel ce dernier porte un amour profond, les lieux similaires etc... Pourtant, les deux récits se complètent au final parfaitement sans jamais ennuyer ou se répéter.
J'ai réellement apprécié toute l'enfance de Croc-blanc. Le moment où sa mère est emmené loin de lui est assez déchirant. Et les retrouvailles quelques temps plus tard sont là aussi terriblement fatales et belles. J'adore chez London, cette limite à l'anthropomorphisation à outrance des chiens/loups : certes les animaux sont capables d'émotion, voire de pensée mais toujours dans les limites de ce qu'ils sont, des animaux sauvages. Ils ne discutent pas entre eux, ne réagissent pas comme des humains mais savent toutefois faire preuve de tout un tas d'émotions qui permettent qu'on s'attache tout de même à leur sort. On trouve également dans Croc-blanc un certain achèvement dans le style de London ou du moins une belle évolution. Le récit est fluide s'accordant même une longue introduction d'une cinquantaine de pages, assez terrifiante, et qui nous amène petit à petit à la naissance de Croc-blanc. J'ai un léger regret sur le tout dernier chapitre qui introduit un grand méchant et cherche à clore l'histoire un peu trop rapidement. Et j'ai été un peu embarrassé par un sous-texte très "conservateur" de temps à autres : la défense de la propriété privée, la supériorité de l'homme blanc sur les indiens selon le loup (oui le roman a un siècle, mais ça lui confère un léger côté réac !)... Mais je tatillonne, ça reste anecdotique. En dehors de cela, on a clairement affaire à une très belle histoire.