D’un château l’autre est la première œuvre de Céline écrite depuis son retour d’exil en 1952. Premier livre de la trilogie allemande, dont les autres tomes sont Nord et Rigodon, D’un château l’autre place Louis-Ferdinand Céline comme chroniqueur d’un évènement historique, la vie au château de Siegmaringen où le gouvernement de Vichy se réfugia durant l’été 44 après le débarquement allié en Normandie.


L'auteur relate dans son livre la période où il vécut à Siegmaringen avec sa compagne Lucette et leur chat Bébert. Ils y rejoignirent plus de 1000 exilés dont le gouvernement de Vichy, Pétain et Laval en tête. Témoignage de la fin pathétique du régime et de la France collaborationniste, le récit s’ouvre avec un Céline contemporain, souffreteux, geignant sur son sort et maudissant ses éditeurs Gaston Gallimard et Jean Paulhan, qu’il surnomme Achille et Loukoum. Ses pensées, fiévreuses, le ramènent peu à peu dans son passé miséreux lors de sa période à Siegmaringen.


Croustillantes d’anecdotes comme les balades le long du Danube de Pétain et de ses ministres, le livre dévoile les arcanes d’un événement historique raconté de l’intérieur. C’est sans doute cet aspect qui plut au public lors de la sortie du livre et qui expliqua le relatif succès commercial.


Céline, l’écrivain qui à force de semer le vent a récolté la tempête, tente d’endosser le rôle de la victime expiatoire. Un rôle qu’il avait l’habitude de jouer pour essayer de noyer le poisson. Se dévaloriser en se montrant sous un aspect faible, en proie à une crise de paludisme dans D’un château l’autre ou rappelant son infirmité à 75%, est également une de ses armes.


Toujours dans son style exceptionnel avec un phrasé assassin, ponctué de myriades de ! … et débordant de haine envers tous, Céline n'avait rien perdu de son génie littéraire vingt ans après son Voyage au bout de la nuit. Ce qui est le plus horrible lorsque l’on lit Céline, c’est que l’on comprend rapidement que toutes les tares de l’auteur nourrissent son génie et inversement. L’auteur français le plus fascinant, le plus dégoutant et malheureusement, peut-être, le plus grand.

Vincent-Ruozzi
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le 29 déc. 2016

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Vincent-Ruozzi

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