On est ici dans un passage autobiographique aussi saisissant que sincère.

George Orwell se retrouve effectivement "dans la dèche à Paris et à Londres". Et c'est l'occasion pour lui de narrer ses histoires, ses déboires et ses pensées.

On se retrouve alors à suivre les tristes péripéties de l'auteur, condamné à vivre sans un sou, sans vêtement de rechange, à partager des dortoirs, à errer dans les cafés la nuit faute de logement, etc.

Et sous la plume aussi magnifique qu'acerbe de George Orwell, ce qui se matérialise sans faux-semblant c'est - c'est encore, c'est toujours - la critique de la société capitaliste et libérale. Ce que l'auteur confie sans honte, c'est la nécessité pour le pauvre de travailler pour vivre. Seulement cette vie qu'il gagne, il n'en devient jamais propriétaire. Ce que montre Orwell en devenant plongeur dans un restaurant parisien, c'est que la misère n'est jamais dite, n'est jamais décrite, car est toujours cachée. Et elle est notamment cachée par de jolis mots, de jolies tournures. Et il n'est pas étonnant que l'auteur de Dans la dèche à Paris et à Londres soit également celui de 1984.

Aussi le pauvre ne travaille-t-il en réalité pas pour gagner sa vie. Il ne travaille jamais pour gagner sa vie. Le pauvre, il travaille pour gagner de quoi vivre encore jusqu'au lendemain, dans le seul but d'encore travailler pour toujours plus enrichir un patron déjà riche.

C'est ça la dèche dans laquelle se trouve Orwell : c'est que travailler ou non - de ces emplois invisibles - ramène à la même misère. Celui qui ne travaille pas s'ennuie et crève, celui qui travaille se tue à la tâche et crève. C'est un système fermé dans lequel les pauvres ne peuvent s'enrichir et les riches ne peuvent devenir que plus riche.

Cet ouvrage, c'est un cri de haine personnel, incarné, contre ce système.


C'est en cela un livre à lire, un livre qui nous permet d'expérimenter en partie la misère, de comprendre ce qu'est la pauvreté, et son cercle vicieux. Ici, pas de grandes aventures, de fiction, de héros et de combats. On est face à la vie, face à une vie qu'on ne veut d'ordinaire pas voir et qu'on ne veut de toute façon pas montrer.

THobbes
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le 23 oct. 2023

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