Qu’est-ce qu’un arbre ? Tous les dictionnaires vous diront quelque chose comme : Végétal vivace, ligneux dont le tronc nu s'ancre profondément dans la terre grâce à ses racines, rameux, atteignant au moins 7 m de hauteur et ne portant de branches durables qui présentent des ramifications recouvertes de feuilles ou d'épines qu'à une certaine distance du sol. Tout le monde sait ça, et assurément les citadins très sûrs d’eux que nous sommes !... Et pourtant il semblerait bien que l’auteure de ce livre, Catherine Lenne, mette un malin plaisir à contester chacun des termes de cette définition.


Catherine Lenne, est docteur en Physiologie végétale et maître de conférences à l'Université Clermont Auvergne, elle mène des recherches sur la tenue mécanique des arbres. Elle participe avec son équipe à comprendre leur capacité à percevoir le vent et la gravité, et à répondre par des mouvements de croissance adaptés. Elle aime : les arbres, les plantes, les sorties terrain, la photo et la chanson. Elle déteste : les surveillances d'examen, les fôtes d'aurtografe, les platanes mutilés.
Elle est l’auteure de “Dans la peau d’une plante, 70 questions impertinentes sur la vie cachée des plantes” (2014).


Tout d’abord je voudrais rendre un hommage appuyé aux auteurs des Pouces lymphatiques (que d’autres appellent "dislike"), on a beau se dire que l’on s’en fout, que c’est lâche et misérable, ça agace quand même : j’ai édité un statut sur ce livre, pour signaler aux utilisateurs de LISEUSES qu’il y était illisible (trop minuscule) afin qu’ils ne le téléchargent pas, et ne fasse pas la même erreur que moi. Bien que sur mon site de téléchargement (FNAC-KOBO) rien ne le distingue des autres ouvrages j’ai découvert par la suite qu’il n’était pas au même format : "ePub 3 Fixed Layout" au lieu de "ePub". Il ne pouvait être lu que sur GRAND écran d’ordinateur (Attention les yeux !). Ce livre promettant d’être à la fois magnifique et passionnant j’ai donc commandé la version papier. Trois semaines plus tard, je découvre que mon statut est affublé de sept pouces à la con, d’autant plus nauséabonds que toujours anonymes et injustifiés. Ont-ils seulement compris quelque chose ces Super-Héros du néant ?
Revenons à des choses sérieuses…


Donc, tout le monde sait ce qu’est un arbre, mais ce n’est pas si facile de le définir et franchement si j’étais un tant soit peu plus crédule il n’en faudrait pas beaucoup pour que je rejoigne la horde des créationnistes !
Madame Lenne nous présente, dans le détail, tous les secrets des différents organes du "Géant Vert", et c’est SI-DÉ-RANT ! Alors, si on réagit avec un soupçon d’anthropomorphisme, on se dit « Il y a quelqu’un derrière ! ». Mais soyons pragmatiques et rappelons-nous que la vie est apparue sur Terre il y a environ 1,2 milliard d’années, sous forme d’algue unicellulaire. Que les premiers arbres datent de 395 millions d’années, quand même ! Ces chiffres sont si grands qu’on ne se rend pas bien compte de leurs proportions. Dans un excellent bouquin l’auteure nous propose de regarder la trotteuse de notre montre qui égrène les secondes et d’en compter 60. Ça va nous prendre 1 minute (bien sûr). Et mille secondes ? Un peu plus de seize minutes (Ah, quand même). Et un million ? 11 jours et demi ! Alors, 395 millions ? Il nous faudra 12 ans et demi pour les compter ! Et là, chaque seconde représente UNE ANNÉE ! De quoi donner le tournis… Et pendant ce temps-là, des erreurs se produisent dans la reproduction des cellules et le vivant ne cesse de se diversifier, de se complexifier et de s’adapter. C’est l’évolutionnisme de Monsieur Darwin pour arriver au niveau de perfection actuelle…
Alors, dans un tronc ou une branche, regardez bien, vous y verrez l’écorce (liège et liber) et le bois (aubier et bois de cœur), tout le monde sait ça ! Mais on ignore le plus extraordinaire, la couche mince du phellogène, dont les cellules souches fabriques le liège et celle du cambium dont les cellules souches fabriquent le liber et le bois !
Autre merveilleuse fabrique de cellules, le méristème. Qu’ils soient dans les bourgeons des branches ou aux extrémités des racines, tous les méristèmes ont la même fonction, produire de nouvelles cellules, matériau de la future branche et de la future racine. Et toutes ces cellules n’ont pas une fonction définitive : tout "simplement", c’est la propriété qu’ont les cellules adultes, restées vivantes, de redevenir mérismatique, cela s’appelle la dédifférenciation ! Elle est à l’origine des rejets, des drageons, du marcottage… etc.
Et les feuilles ? Un piège à photons que nos cellules photovoltaïques ne parviennent pas à égaler ! Savez-vous que l’intérieur de la feuille est plus lumineux que l’extérieur ? Une véritable "Galerie des glaces" pour piéger encore plus de photons pour le plus grand bonheur de la photosynthèse ! …
Alors, bien sûr, que des naïfs s’imaginent un Gand Manitou ayant pensé à TOUT, et TOUT créé d’un claquement de doigts, on peut les comprendre …
Mon intention était de ne pas encombrer mon commentaire de détails techniques mais là je ne peux résister à vous faire partager ma cueillette de champignons… d’abord, le saviez-vous ? Ces beaux cèpes et autres girolles que l’on peut découvrir dans nos forêts, ce sont les organes sexuels du champignon qui prospère sous terre, sous forme d’un immense réseau filamentaire, le mycélium, lequel vit en collaboration étroite avec les racines des arbres en enveloppant les racines d’une "chaussette" de filaments, les hyphes, qui vont jusqu’à s’insinuer entre les cellules végétales de la racine. Et là des échanges se font : le champignon procure à l’arbre de l’eau et des minéraux (30 à 40 % des minéraux puisés par le champignon sont rétrocédés à la racine). De son côté l’arbre fournit au champignon 20 à 30 % de sa production de sucre par photosynthèse ! Attendez, ce n’est pas tout ! …
Rappelez-vous, le mycélium : un immense réseau filamentaire… tellement immense que dans une forêt de sapins de Douglas, on a pu démontrer qu’une même souche de champignon pouvait interconnecter jusqu’à dix-neuf arbres ! Mais alors, si un seul champignon peut échanger avec plusieurs arbres, ces arbres n’échangent-ils pas entre eux via le champignon ? Excellente question, votre honneur : en utilisant un sac étanche, on a donné à "respirer" à un arbre du dioxyde de carbone marqué (dont le carbone était un isotope radioactif). Ce carbone est alors incorporé aux molécules de sucre fabriquées par l’arbre grâce à la photosynthèse et … des molécules de sucre marqué ont été relevées dans un arbre voisin ! On a pu noter un commerce sucré « entre un bouleau et un sapin de Douglas, dans un sens ou dans l’autre suivant les saisons : le bouleau reçoit des substances du sapin quand il n’a plus de feuilles, alors que c’est l’inverse en été, lorsqu’il est en surproduction de sucre. Un arbre peut donc en nourrir un autre, via le réseau fongique qui les associe tous les deux ! » Extraordinaire, non ? De quoi changer notre regard, lors de notre prochaine balade en forêt…
On a appelé ce réseau internet souterrain le WWW (Wood Wide Web !) et il ne sert pas seulement à partager le casse-croute, il semblerait bien que parmi des molécules carbonées échangées à travers le réseau, certaines soient des signaux « intelligibles », c’est-à-dire qu’ils provoquent quelque chose ! En 2015, l’équipe scientifique de Suzanne Simard, au Canada, a surpris une « conversation » souterraine entre un sapin de Douglas attaqué par une chenille, et un pin jaune qui se retrouve en alerte quelques heures après l’attaque du sapin…


Tout le livre regorge de singularités de cet ordre. Il faut les chercher car il est peut-être un peut trop exhaustif, on tombe inévitablement sur des longueurs. Mais quel puits de science ! Et quel magnifique album photos !
Comme expliqué en préface, sans doute manque-t-il les forêts tropicales… un sujet pour un futur ouvrage.

Philou33
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le 8 août 2021

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