« La vie ne devrait être que cela : l’hommage rendu par l’adulte à ses rêves d’enfant. »
Que celui ou celle qui n’a jamais pensé à tout abandonner au profit d’une vie d’ermite dans vieille cabane, située au fin fond d’une pampa quelconque, me jette la première pierre. Géographe de formation, Sylvain Tesson a sauté le pas. Après avoir parcouru notre planète par tous les moyens de locomotion possible – il a fait le tour du monde en vélo, traversé à pied l’Himalaya, parcouru 3000km dans les steppes d’Asie centrale en cheval –, l’écrivain-voyageur a acheté une isba au bord du lac Baïkal, en Sibérie, et y a vécu entre février et juillet 2010. Le plus proche village se trouve alors à 5 jours de marche, le premier voisin à 60 kilomètres. Il emporte avec lui des livres, des bouteilles de vodka et des cigares.
Dans les forêts de Sibérie est un journal qui s’écrit au jour le jour. Sylvain Tesson nous y raconte une vie simple et développe une réflexion sur le monde qui nous entoure. Auparavant « enchaîné à l’obsession du mouvement, drogué d’espace », il regarde désormais la glace du lac fondre, par sa fenêtre. Les mêmes gestes occupent ses journées : couper du bois, pêcher, lire, écrire, errer dans une nature immaculée. Et recevoir – parfois dès l’aube – des Sibériens qui trinquent jusqu’à épuisement des stocks.
Le géographe est un spécialiste des aphorismes, qu’il manie parfaitement. Parfois pompeux, toujours magnifiques, ceux-ci nous frappent à chaque page. On ne s’ennuie jamais, Sylvain Tesson réussit à magnifier le temps qui s’écoule goutte après goutte. L’écriture est belle et les mots simples, à la manière des histoires qu’on nous lisait avant de s’endormir. On se prend à s’imaginer là-bas, à sa place, à fumer un Romeo n°4 en sirotant une bouteille de vodka, devant le soleil qui se couche sur les glaces du Baïkal.