Famine, maltraitance, infanticide, cannibalisme... le Petit poucet n'est pas le moins violent de nos contes. Mais derrière cette violence frontale, s’en cache une autre plus tabou. Celle du désir, qui n’est jamais loin de la dévoration ; celle du sang de la chair fraiche qui est aussi celui des menstrues ou de l’hymen rompue.
C’est cette histoire universelle au cœur des contes que revisite pour nous Flore Vesco dans De délicieux enfants. Comme dans d’Ors et d’oreillers ou L’estrange malaventure de Mirella, elle subvertit le genre en adoptant le regard des oubliées : pauvresse, sorcière, victime et parfois toutes cela à la fois.
Une réécriture qui peut sembler « dans l’air du temps”* mais qui garde toute sa force subversive et une saveur particulière. Car Flore Vesco aime les mots comme les ogres aiment les enfants. Elle les cuisine avec délectation, les émince pour les faire fondre dans nos bouches. Elle assaisonne son texte de mots oubliés, saupoudre sa prose de vers, remue l’intrigue d’une narration chorale, et nous fait mijoter dans du suspens bien dosé.
Un roman à dévorer avec appétit qui nous rappelle que les enfants ne souvent pas si innocents, et que si les jeunes filles peuvent être des mets de choix elles peuvent aussi être de redoutables cuisinières. Il y a bien des manières de passer à la casserole.
*On ne peut pas ne pas citer le formidable « Déjeuner de la petite ogresse » d’Anaïs Vaugelade et le Géant de Zéralda de Tomi Unger.