Si Roland Barthes a pu analyser le discours amoureux, Stendhal en a disséqué les comportements. Dans la première partie, il énumère et étudie les étapes du phénomène, dont l'essentiel est la capacité de "cristallisation", de prise en compte consciente et de concrétisation. Dans la seconde, il opère une analyse comparative des us et coutumes en la matière, dans différents pays.
Les étapes en sont les suivantes : 1° l'admiration ; 2° la conscience du plaisir ; 3° l'espérance ; 4° la naissance de l'amour ; 5° la première cristallisation ; 6° le doute ; 7° la seconde cristallisation. Chaque étape a ses délais. Outre cette recette-type, l'essentiel se consolide de la 4ème à à la 7ème étape, d'où l'intérêt crucial de la notion de cristallisation. La résistance, les doutes, toutes les attitudes sont disséquées. Cela est fait avec une assez grande finesse, comme à l'habitude de l'auteur ; il est juste à regretter, ce dont il n'est pas véritablement responsable, que le point de vue féminin soit étudié sous un angle essentiellement passif, dues aux moeurs de l'époque. Et, en cela, dans la seconde partie, il avoue, par le regret, la chose, en évoquant une plus grande liberté en ce domaine au Moyen-Age, alors qu'il se penche sur la Provence des XIème et XIIème siècles.
La seconde partie n'est pas inintéressante. Stendhal dénonce une certaine vanité masculine française, à laquelle il préfère les manières plus stylées des Italiens, et le doute ombrageux des Espagnols, notamment. Si cette partie est instructive, elle n'est pas non plus dénuée de certains clichés, à l'instar de la théorie des climats de Montesquieu, si je puis me permettre.
Par ailleurs, il compare la vertu de Werther à l'accumulation quelque peu infantile de Dom Juan, ce qui m'a intrigué et intéressé.
Cette lecture est assez importante : à condition de remettre les choses dans leur contexte, elle permet de prendre du recul dans un domaine où on en manque souvent (je m'y inclus).