N’allez pas croire que je n’aie pas pénétré chaque parcelle de la pensée de Cioran. J’adhère en tout point à sa pensée, une pensée qui se trahit, qui se renie par son expression même. Cioran, tu as 62 ans, j’en ai 29, et il n’est pas une phrase que tu aies écrite que je n’aurais pu modestement écrire. Une seule question se pose : pourquoi écrire plutôt que ne pas écrire ? Pourquoi parler plutôt que se taire ? Pourquoi vivre plutôt que ne pas vivre ?
Pourtant, notre ami commun n’est pas malhonnête, il est lui-même, et c’est là que le bât blesse (sinon ne tue). Il y a dans sa recherche de sérénité autant d’effroi que dans une bouteille vide, vide non pas parce que vidée mais parce que jamais remplie ; l’ivresse absente. De toutes ces questions posées, que peut-il rester, à part Cioran en personne, E.M. Cioran le très-fameux pseudonyme, Cioran le prophète de sa propre existence. Non, ce n’était pas une véritable interrogation. La seule œuvre valable de Cioran est de n’avoir pas procréé. La seule issue logique de sa pensée, pour en avoir ressenti l’appel en le lisant, est le suicide.
Plutôt le silence ; de n'avoir jamais pu être.