Je le relis 15 ans après. Il m'avait marqué, j'en avais gardé un souvenir fort.
Evidemment, il y a des passages qui semblent prémonitoires, aussi bien concernant la guerre de Sécession, le mouvement afro-américain, l'extinction des Indiens ou même... la guerre froide (les dernières pages du tome 1).
Je ne vais pas prétendre écrire quelque chose d'original sur ce monument des sciences politiques sur lequel on a tant écrit.
A la relecture, ce qui m'a frappé, ce sont les convictions catholiques de Tocqueville, qui transparaissent sans pour autant lui ôter de la lucidité. Et je me dis que pour être aussi lucide, il faut vraiment avoir vu les convictions dans lesquelles on a été élevées s'effondrer complètement, puis tenter de renaitre sans y réussir. Si Tocqueville est si pénétrant, c'est qu'il a vu l'Ancien Régime se faire balayer par la Révolution. Il en a tiré une fidélité nostalgique aux croyances de ses pères, mais en comprenant parfaitement pourquoi ces dernières étaient à jamais condamnées.
Il faut avoir beaucoup perdu, beaucoup souffert, avoir vécu de bien grands bouleversements dans ses croyances pour arriver à un tel niveau d'analyse détachée.
Et Dieu sait que Tocqueville est doué en analyse. Son livre est un hymne à l'intelligence.