Joseph Andras retrace dans ce court roman la vie de Fernand Iveton, le seul européen exécuté pendant la guerre d'Algérie alors qu'il n'a tué personne. Ouvrier indépendantiste, il place une bombe dans son atelier pour une action symbolique. En effet il cherche à marquer les esprits mais pas à tuer. Or il se fait arrêter et, bien qu'uniquement coupable de sabotage, il est condamné à mort.
Le roman évoque l'arrestation, la détention mais aussi l'enfance de Fernand en Algérie et sa rencontre avec sa femme. On comprend le parcours de cet homme idéaliste qui ne rêvait que de liberté dans ce pays qui est devenu le sien. Élevé au milieu des algériens, il s'est toujours senti appartenant à ce pays et il est révolté face au colonialisme. Proche du mouvement communiste, il veut marquer les esprits pour faire réagir tout en refusant d'attenter à la vie humaine. C'est un révolté, comme tant d'autres, qui ne croit qu'en l'humain mais qui va finalement se trouver pris dans un mécanisme qui le dépasse.
Les premières pages du livre sont très dures. En effet, dès son arrestation il est torturé pour d’obtenir le nom de ces complices. L'auteur n’hésite pas à nous décrire ces tortures, rappelant avec violence les zones sombres de notre histoire. La description du procès est très détaillée et documentée. Les deux avocats commis d'office pour Iveton se retrouvent vite face à un mur de haine, face à la vindicte des colons. Même la grâce présidentielle n'est pas accordée et la mort d'Iveton devient un exemple, une façon de maintenir l'ordre publique.
On comprend l'admiration de l'auteur pour son héro et on la partage. Son lyrisme veut rendre justice à un homme qui est exécuté pour autre chose que son crime, à un homme qui ne rêvait que de liberté. Si le début du roman est violent et difficilement supportable, la suite, bien que révoltante, est complétement habitée. Le style de l'auteur, oscillant entre narration et pensées des personnages, est sublime. L'auteur utilise des métaphores merveilleuses qui ponctuent autant les moment de grâce que les moment d'horreur. Il nous place au plus près de ce qui se joue, des drames des victimes et des dommages collatéraux. Les mots écrits en arabes se mêlent au texte et donnent du rythme quand tout s’accélère. Le livre est maitrisé du début à la fin. L'auteur nous laisse avec une dernière phrase surprenante et absolument bouleversante.
C'est un livre incroyable qui met en avant un homme au courage fou pris dans des intérêts politiques qui le dépassent. A mon sens c'est un livre nécessaire, un livre révoltant.