Après un premier tome aussi agréable à lire que stérile concernant l’avancée de l’histoire, Joe Abercrombie avait pour mission avec le second de donner du sens à son cycle La Première Loi.
Malheureusement, le contrat n’est pas rempli et c’est envahi d’une profonde frustration que le lecteur referme l’ouvrage.
Que raconte le cycle La Première Loi ? Difficile de répondre. Le tome 3 bouleversera peut-être cette vision des choses, mais, à ce stade, l’impression qui prédomine est celle d’avoir affaire à une banale histoire de guerre entre pays voisins. Du grand classique, sans envergure. Quelques éléments du background intriguent, en particulier concernant l’histoire des mages et leur rivalité. Mais ça ne suffit pas, le cycle ne raconte rien pour le moment.
Il est nécessaire de relativiser puisque cette lecture est digne d’intérêt. En effet, l’auteur n’a pas son pareil pour régaler avec des personnages profonds et originaux. Sur ce point précis, on pourra toutefois noter un léger manque de nuances, en comparaison du premier tome dans lequel Abercrombie n’hésitait pas à les présenter comme de parfaits salauds. Dans le second, ils tendent tous à devenir gentils et bienveillants. Malgré tout, ils tranchent suffisamment avec ce que l’on trouve ailleurs pour qu’on suive leurs aventures avec plaisir. On sent qu’il s’est pris d’affection pour eux et a de plus en plus de mal à les faire se comporter douteusement.
Trois arcs se dessinent ici : le premier concerne West et est de loin le plus intéressant ; le second permet de suivre les aventures abracadabrantesques mais passionnantes de Glotka ; le dernier concerne Bayaz.
De tous, ce dernier est le plus important et a pour objectifs de faire avancer le scénario, de révéler avec parcimonie l’histoire du monde et de faire comprendre au lecteur le plan du premier des mages. Pourtant, dans les dernières pages, cet arc proposera la conclusion la plus décevante rarement lue dans une œuvre de ce genre. Les réflexions suivantes vous échapperont peut-être en fin de roman :« Tout ça pour ça ! », « Il se fout de ma gueule ! », « Je vais lui faire chier des confettis ! »…
En droit d’attendre des révélations, le lecteur n’en aura que bien peu. En droit d’attendre un pas de géant dans l’avancée scénaristique, il n’obtiendra qu’un pas en avant puis deux en arrière. Il est rare de se dire qu’une lecture a été inutile ; c’est ce que réussit pourtant ce roman, en tout cas s’agissant de cet arc spécifique.
Autant dire qu’il y a intérêt à ce qu’Abercrombie sorte le grand jeu pour le dernier tome de la trilogie. Grosse déception pour le moment, en dépit des qualités relevées dans la critique du premier tome et toujours valables pour celui-ci (écriture, personnages...).