Un mouchoir pour ma tante.
Même si le postulat de départ est alléchant j'ai toujours considéré ce livre comme une des, si pas la pire des trahisons dans ce qu'on pourrait qualifier d'oeuvre à tendance hard SF (c'est à dire en adéquation avec les connaissances scientifiques contemporaines à l'écriture du livre).
D'abord, on peut dire ce qu'on voudra, pertinente ou non, l'accroche est franchement pénible à lire. Des dizaines de pages qui donnent mal à la tête, merci mais non. Qu'on me traite d'inculte ou de singe, je pense avoir eu l'occasion de lire assez de grands auteurs de SF pour pouvoir affirmer que non, vouloir à tout prix faire de l'original pour dire de faire de l'original, c'est pas toujours hype, même quand le prix Nébula prétend le contraire. Dans ce cas précis et surtout pour un bouquin aussi court, se taper 50 pages de ce que je nommerai l'ancêtre du langage SMS, c'est traumatisant, et quand on pense en avoir fini, à peine le temps de se faire les péripéties que, BAM, tiens que je te ressers ma tambouille pendant 30 pages.
Quand bien même l'idée servirait le roman, le reste ne sauve pas le bateau qui coule. La façon dont est présentée l'intelligence, sans parler des concepts comme le QI et le QE, est digne de l'école primaire voir de la légende urbaine. D'après l'auteur avoir un QI élevé mène forcément à une forme d'exclusion ou d'incompréhension sociale, mais permet de retenir tout ce qu'on lit, de parler 10 langues et d'être un grand compositeur de musique. D'accord.
Pendant 100 pages, correctement orthographiées cette fois, Keyes nous dépeins la triste et misérable vie d'un attardé devenu omniscient (oui parce que c'est de ça qu'il s'agit) sans jamais s’intéresser aux véritables problèmes que rencontrent ce type de personnes dans notre société, la vraie cette fois. Comme je l'ai dit plus haut c'est une adaptation peu inspirée de la légende urbaine qui veut qu'un Homme intelligent possède forcément un QI élevé, QI débouchant forcément vers une intelligence qui se rapproche de l'omniscience, omniscience menant forcément à une personnalité digne du dernier des connards.
Alors qu'on m’arrête si je me trompe, mais dans les années 60 on savait déjà fort bien dans le milieu scientifique que ce sont la créativité et la fibre artistique abstraite qui mènent aux plus grandes découvertes, et non des points de QI distribués par un test. On sait aussi que le premier facteur qui influence la capacité à assimiler de grosses quantités d'informations n'est pas l'intelligence, mais bien la force de l'habitude, autrement dit, d'un entraînement régulier (et ça même si certains sont plus prédisposés que d'autres à la naissance).
De plus le QI est non seulement une mesure controversée, mais quand bien même elle serait à prendre au premier degré, elle ne mesure que la capacité d'une personne à réagir de façon logique à une situation inconnue à un moment donné. On peut être un génie avec un QI de 100 et un parfait imbécile avec un QI de 150. D'ailleurs tout le monde connaît l'histoire d'Einstein et de son fameux score de 162, ça c'était avant qu'on découpe son cerveau pour se rendre compte que l'hémisphère gauche était hypertrophié et qu'il présentait des quantités anormales de cellules gliales et d'astrocytes (Google est notre ami).
De supercheries en supercheries si on jette tout le côté fantasque de l'oeuvre on se retrouve au final avec une soupe somme toute un peu amère, sorte de drame sentimental pas très inspiré. Le truc le plus touchant reste encore Algernon, parce que la compassion pour les animaux ça ne s'explique pas et que ça fait toujours vibrer la corde sensible des petites natures comme moi.
Et puis d'ailleurs, qu'est-ce que c'est que l'intelligence ?