À la lisière du territoire Impérial, sur un monde oublié par la grande majorité des sujets de l'Empire, survie tant bien que mal une société aux pratiques culturelles étranges qui se dévoue, depuis des temps immémoriaux, à une fonction des plus curieuses.
Tisseurs de père en fils, les hommes de ce monde sont entièrement tournés vers la confection de tapis de cheveux humains destinés à orner les prestigieux couloirs du légendaire Palais des étoiles, la résidence de l'immortel Empereur-Dieu.
Pourtant, une rumeur circule au sein de ce monde abandonné par la communauté galactique.
Il est dit que l'Empereur est mort, tué par des rebelles qui auraient renversé l'autorité Impériale et balayé les fondements de l'ancienne société. Si la rumeur se confirme alors une question se pose : à quoi sont destiné les tapis...fruit du labeur de toute une vie ?
C'est sur ce postulat absurde que démarre des milliards de tapis de cheveux, un livre de Science-fiction aux allures de conte de fée et de space opéra poétique qui n'est pas sans rappeler le fantastique Dune de Frank Herbert.
La première chose fascinante dans des milliards de tapis de cheveux, c'est l'originalité de sa structure narrative : Il ne s'en dégage aucun personnage principal.
Le livre est divisé en 18 chapitres connectés entre eux par un fil conducteur omniprésent (la volonté de l'Empereur, le mystère des tapis) mais qui ne présente jamais le même point de vue ou le même personnage.
La structure global du livre forme une sorte de recueil de nouvelles très connectées entre elles qui s’attachent à décrire une société des plus singulières.
Cette narration permet de multiplier les points de vue avec une aisance des plus naturelles et permet d'approcher l'histoire sous différents angles.
Il faut voir le livre comme un roman où le personnage principal n'est pas le tisseur, l’éclaireur d'outre-monde, la marchande ou l'archiviste mais l'Empire lui-même et plus particulièrement, le personnage responsable de sa création : l'Empereur.
Ainsi, cette multiplication judicieuse des points de vue permet au lecteur de découvrir, petit à petit une société fascinante d'hommes et de femmes qui n'existent que pour satisfaire la volonté impénétrable d'un monarque lointain qu'ils n'ont jamais vu.
Le reste du monde est également développé dans la seconde partie du roman et c'est à partir de ce moment précis que l'on se rend compte de l'ampleur démesuré de la création de ce souverain au statut quasi-divin.
Si ce dernier n’apparaît pas dans les pages du livre, sa présence domine pourtant le récit. Son empreinte est omniprésente et chaque action découle directement de sa volonté ...qu'il soit mort ou non.
Ainsi, en rendant son Empereur aussi exubérant, l'auteur met en avant des thèmes intéressants liés aux monarchies de droit divin et à la construction d'un monde sans elles : l’obscurantisme, la place de la religion dans la culture d'une société, la relation père-fils, le despotisme exacerbé et le libre-arbitre.
Quant à la conclusion du livre, si elle en a déçu plus d'un, j'ai, pour ma part, pris une claque monumentale. Dans l'ensemble elle m'a paru extrêmement juste et adéquation totale avec la personnalité d'un despote comme l'Empereur.
Je préfère ne pas en dire plus au risque de spoiler.
Prenant, envoûtant, poétique, mélancolique, Des milliards de tapis de cheveux est un mélange réussi de space opéra et de conte pour adulte en plus d’être un exercice de style pertinent et abordable. Une fable intelligente et percutante qui dénonce avec panache la place de la religion dans la construction d'une société et les dangers du pouvoir absolu. Une voyage passionnant au cœur de l'absurde et de l'extravagant.
Un coup de cœur !!