La métamorphose
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Après dix-neuf mois passés dans le huis clos violent de la prison, Théo Béranger n’a qu’une envie : s’enterrer au calme, loin de l’enfer des autres, avant, peut-être, d’aller rejoindre sa femme, un jour. Réfugié dans un coin perdu de moyenne montagne couverte d’une forêt sombre, il tombe entre les griffes d’une femme et de ses deux frères déments, qui le séquestrent et le réduisent en esclavage dans des conditions inhumaines. Parviendra-t-il à leur échapper, ou rejoindra-t-il ses prédécesseurs, quelques pieds sous terre ?
Premier roman de Sandrine Collette, et déjà, se dessinent les obsessions, qui, encore et toujours, ne cessent de parcourir son œuvre, à la croisée de l’humanité et de la bestialité. Si le début fourvoie notre peur en la focalisant contre Théo, homme violent, repris de justice et introduit dans le récit par les mots peu flatteurs d’un médecin psychiatre abasourdi, l’on réalise bientôt que, derrière le salaud décrit par les experts, se cache un homme placé sans recours sur les raccourcis tracés vers le malheur par la maltraitance et la brutalité subies dès l’enfance. Aussi terribles que ses actes puissent paraître, c’est le contraste avec encore plus noir que lui qui va finalement nous le rendre à nouveau humain - lui que ses bourreaux ont réduit à la condition d’animal domestique -, tout en posant de plus belle la troublante question de ce qui transforme un jour un homme en bête sauvage, sans plus de raison, de coeur, ni de sens moral.
Car, monstres déséquilibrés et dangereux, les frères et la sœur Mignon nous emmènent en même temps que Théo au plus inimaginable de l’abjection et de la sauvagerie, dans ce qui ne peut plus paraître que le tréfonds d’une folie pure où s’est dissoute toute trace d’humanité. Chacun pourra librement imaginer la somme d’horreur vécue qu’il aura fallu emmagasiner chez ces êtres pour les réduire à une telle démence, à moins qu’elle ne soit simplement le fruit d’une consanguinité suggérée par les mœurs du trio, sur ce versant enclavé et arriéré de montagne.
Comme elle sait si bien le faire, Sandrine Collette happe son lecteur dans un récit addictif, aussi noir qu’efficace, qui pourrait écoeurer de tant d’abjecte violence s’il ne posait déjà avec acuité la question, qui hante l’auteur de livre en livre, de « la frontière entre l’humanité et l’animalité ».
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le 7 nov. 2022
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