Il s'agit du dernier roman de l'auteur irlandais Sheridan Le Fanu, né en 1814, et qu'on compare souvent à Wilkie Collins. Et c'est vrai que leurs univers sont similaires, des jeunes femmes innocentes et pures de la bonne société sont la proie d'hommes malfaisants, attirés par l'appât du gain...
"Je m'appelle Ethel Ware. Ma petite personne n'offre pas le moindre intérêt : vous en serez juge. J'aurai quarante-deux ans le 1er mai 1873, et je suis toujours célibataire. Je n'ai pas l'air, me dit-on, de la vieille fille que je suis. On ne me donne pas trente-cinq ans et, assise devant le miroir, je vois bien que mes traits n'ont rien de maussade ni de revêche. Qu'est-ce que cela peut faire ? Évidemment, je ne me marierai jamais et, en toute honnêteté, je me moque bien de plaire à quelqu'un. Si j'avais le moindre souci de mon physique, j'aurai probablement un pire aspect."
C'est sur ces mots durs que s'ouvre la confession de la narratrice Ethel Ware, au soir de sa vie, alors qu'elle a assisté, impuissante, à la lente déréliction de son existence...
Alors qu'elle vit paisiblement dans la campagne galloise, elle perd sa sœur chérie suite à un refroidissement, puis sa chère gouvernante Laura Grey disparaît sans un mot. Elle voit rarement ses parents, qui mènent de leur côté une existence mondaine au rythme des saisons londoniennes. Au fur et à mesure de son isolement, d'inquiétants personnages (sûrement des papistes !) aux desseins aussi sombres que leurs yeux resserrent leur toile autour d'elle... Et les vautours se rapprochent encore davantage quand son seul soutien masculin, son père, se suicide, au désespoir de se voir ruiné par d'odieuses manigances... Elle se rapproche alors de sa mère, qui succombe à son tour. Littéralement jetée à la rue, elle est finalement recueillie par un amoureux éconduit de sa mère, mais son séduisant neveu refait surface, bien décidé à avoir sa part de l'héritage du vieux bonhomme...
Ethel, qui ne peut plus compter que sur elle-même, sera-t-elle assez forte ? Vous l'aurez compris, l'intrigue ne brille pas par son originalité mais plutôt par l'atmosphère sombre que l'auteur met en place subtilement, centrée sur la condition des femmes de cette époque, à la merci des prédateurs de leur entourage, servie par une écriture fluide et sans chichis, qu'on se surprend à dévorer avidement pour découvrir quelle morale va l'emporter...