Pas besoin de tergiverser. Ce livre remplit le contrat ; vous "dévorez les ténèbres" comme il se doit.
Richard Lloyd Paris est un journaliste au CV gargantuesque et revient sur un fait divers qui s'est déroulé à Tokyo au début des années 2000 ; la disparition de Lucie Blackman, une jeune anglaise de 21 ans, qui séjournait à Tokyo pour tenter de rembourser ses dettes.
Tout est fait pour vous accrocher. Dans la narration, dans la dramatisation des proches de Lucie, dans le suspense du procès, dans le profil du présumé coupable, ...
D'ailleurs le commentaire du Point qui figure sur l'édition de poche du livre est tellement glauque qu'il accrocherait n'importe quel pélo en quête de sensations intenses. ("Comme un roman, mais en pire puisque tout est vrai.").
... Et on se sent sale, vraiment sale. Ça a l'air hypocrite dit comme ça parce que j'ai littéralement englouti ce livre, mais Dévorer les ténèbres satisfait ce besoin pervers, cette curiosité malsaine de savoir ce qui a pu se passer de si horrible, tout en croisant les doigts très fort pour que jamais une histoire aussi sordide ne nous arrive. Comme un conte traditionnel sans morale ni happy end.
J'aurai pu être encore plus sévère mais le travail de Parry n'en est pas moins professionnel, et ayant vécu au Japon pendant plusieurs années, il parvient à nous faire comprendre certains mécanismes de la société tokyoïte et japonaise, avec un peu de cours d'Histoire ; l'impérialisme japonais et ses conséquences sur la Corée et les coréens résidant encore au Japon aujourd'hui. C'est la partie que j'ai préféré, parce que j'y ai appris beaucoup de choses et que ça va bien au-delà du fait divers digne de la Une d'un Détective (qui me faisait frissonner quand j'étais gosse mais sur le quel je me jetais afin de ne pas perdre une miette de toutes les horreurs qu'on y écrivait...).
Voilà, on ressent un peu de honte, on sort de ce documentaire assez peiné, assez déboussolé mais avec une furieuse envie de décortiquer l'autre. Non pas par envie d'exotisme mais pour ce besoin incessant d'expliquer ou de comprendre la complexité de la nature humaine.
À vous de voir ! (j'y ai préféré le génial L'empreinte, d'Alexandria Marzano Lesnevich pour d'autres raisons, au cas où).