Pour commencer idéalement, c'est bien connu, il faut s'y prendre la veille.
Vous coupez trois oignons que vous faites revenir dans un mélange de beurre et d'huile au fond d'une bonne vieille cocotte ou encore dans un fait-tout, vous savez bien, ce machin indispensable à la bonne tenue des ménages que tout être humain civilisé se doit de posséder, même que si ce n'est pas le cas vous pouvez encore le demander en vitesse pour votre petit Noël.
Un kilogramme et demi de collier de boeuf suffira, vous le mettez dans la cocotte par morceaux de 50g environ, soit des gros cubes de cinq centimètres de côté, et vous les faites dorer sur toutes les faces.
Vous ajoutez alors deux gousses d'ail écrasées, vous enfarinez le tout et vous n'avez plus qu'à mettre le vin jusqu'au niveau de la viande, une bouteille environ, vous avez même le droit de rajouter un verre d'eau et le devoir de saler et poivrer l'ensemble en ajoutant un bouquet garni.
Le vin n'a pas besoin d'être d'une qualité exceptionnelle, mais vous aurez l'amabilité de le choisir le plus près possible de la Bourgogne en repoussant à toutes forces et encore plus qu'à l'ordinaire, tout ce qui peut bien provenir du Bordelais.
Ne pas hésiter à subtiliser délicatement un verre à la bouteille ou à la seconde que vous aurez prudemment acquise et à vous offrir ce petit plaisir pour vous féliciter de votre travail. Si une jeune fille accorte se balade dans votre appartement plus ou moins vêtue, vous êtes encouragé à l'inviter à vous accompagner.
De toutes façons, vous avez le temps, le travail du premier jour est terminé, vous laissez mijoter deux ou trois heures à feu doux avant d'éteindre pour que l'estouffade se repose pendant la nuit, et vous avec.
Le jour de la dégustation, rallumez sous la cocotte, en rajoutant au mélange une botte de petits oignons coupés en quatre dans le sens de la longueur.
Dans une poêle à côté, faites revenir une petite dizaine de gros champignons en lamelles dans du beurre, et rajoutez-les bien cuits à l'ensemble. Faites revenir à présent des lardons dans le même ustensile enfin libéré et accordez leur la même honorable fin.
Votre travail est terminé, laissez mijoter encore une heure ou deux, le temps ne presse pas, il vous reste peut-être une nouvelle bouteille de vin à découvrir pour patienter, je vous le conseille un peu corsé. Un Morgon, un Fleurie, un Moulin-à-vent et bien sûr un Bourgogne seront les bienvenus à votre table et raviront, n'en doutez point, les plus exigeants de vos invités.
Il est conseillé de servir le boeuf bourguignon avec des tagliatelles, je suis sûr que vous êtes capable de cuire des pâtes vous-même.
Voilà, maintenant que vous savez cuisiner le seul plat vital manquant à ce merveilleux dictionnaire, oeuvre testament d'un gourmet délicieux, vous pouvez courir vous le procurer d'urgence. Tout le reste s'y trouve et vous attend accompagné de réjouissantes anecdotes et d'indispensables digressions en tous genres.